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cours de l’Académie royale, alors récemment fondée. Là, ses dons naissans attirèrent l’attention de ses maîtres, en même temps que ses gamineries légendaires faisaient le désespoir du vieux Moser. A peine le vénérable conservateur avait-il placé le modèle vivant en position qu’on voyait tressaillir la pauvre fille. C’est Rowlandson qui la bombardait à l’aide d’une sarbacane. On voulait l’expulser pour cette plaisanterie, mais comment garder rancune à ce brillant et joyeux adolescent qui recevait les mercuriales en riant et éludait la punition d’une mauvaise farce par une farce nouvelle ?

Son père était un gentleman ruiné, mais il lui restait des parens riches, entre autres une tante française, qui adorait les artistes et les mauvais sujets. Sur son invitation, Rowlandson alla faire plusieurs séjours dans ce Paris que Hogarth appelait de la boue dorée (begilt and befouled). Thomas Rowlandson y trouva le foyer des arts et le centre des plaisirs. Il eut beau être ingrat envers ce Paris qui l’avait formé, la trace des études qu’il y avait faites ne s’effaça jamais. C’est là qu’il semble avoir pris quelques-unes de ses qualités et plusieurs de ses défauts : la patiente et infatigable imitation de la nature, la recherche du détail vrai, le sentiment de l’élégance féminine et le goût du « grivois, » du « graveleux, » c’est-à-dire de certaines intentions malicieusement libertines, très appréciées des contemporains de Fragonard et auxquelles la candeur des héroïnes de Greuze ajouta une saveur de plus.

De retour à Londres, Rowlandson eut à choisir sa voie. La situation était à peu près la même qu’à l’époque des débuts de Hogarth. Plus que jamais le grand art consistait à représenter des dieux grecs, des héros romains ou des personnages de l’Ancien Testament. Pour se préparer à un tel honneur, il fallait d’abord passer quatre ou cinq ans en Italie. Au retour, une sorte d’auréole entourait ce Hadji, ce pèlerin de l’art, qui avait vu les « Loges » et le Jugement dernier, scruté de tout près les toiles radieuses du Titien et de Léonard de Vinci, dérobé à ces maîtres quelque chose de leur lumière et de leur inspiration. Après avoir passé par cette initiation, on pouvait faire deux choses : ou mourir de faim orgueilleusement dans un grenier, comme Barry, ou, — si l’on avait de la souplesse et de la tenue, comme West, — ramasser dans une antichambre royale des titres et des commandes officielles. La vanité individuelle, d’autre part, offrait toujours,