compositions, pleines de femmes et d’enfans, produisent l’impression exhilarante d’un bouquet de roses ou d’une corbeille de fruits. Joie de vivre, innocente vanité, douce malice ou candeur un peu niaise : ces jolis visages n’expriment rien de plus. On y lit les sensations de l’épidémie, et non les sentimens profonds. Ce qui gâte un peu tout cela, c’est l’éternelle préoccupation libertine, c’est cette « polissonnerie » du XVIIIe siècle qui, en admirant et en adorant la femme, ne cesse de lui manquer de respect. Qu’elle soit endormie ou évanouie, surprise au lit par des voleurs, emportée à travers un incendie, ou qu’elle se sauve devant une pluie soudaine en retroussant ses jupes, qu’elle soit paralysée par la peur ou par le mal de mer jusqu’à perdre le souci et le gouvernement d’elle-même, l’artiste profite de tout, même des terreurs suprêmes d’un naufrage, pour se ménager quelque petit spectacle furtif dont il veut partager avec nous l’amusement. Combien ce cynisme, toujours en éveil, est loin du réalisme, parfois brutal, de Hogarth, qui aborde de front les sujets scabreux, mais n’introduit jamais insidieusement la gravelure où elle n’a que faire !…
Bien différent de son prédécesseur et de son maître, Rowlandson sera un peintre de mœurs, et non un moraliste. Il traitera les mêmes sujets, mais dans un esprit opposé. Là où Hogarth fronce les sourcils, Rowlandson hausse les épaules, sourit et passe. C’est pourquoi l’un arrive très vite au drame, l’autre se cantonne dans le domaine de la comédie, sinon dans celui de la farce. Je ne connais qu’une page vraiment et exclusivement tragique parmi ces dix mille dessins que Rowlandson a jetés à tous les vents du siècle. C’est une gravure intitulée Distress. Quelques malheureux, sur un frêle canot, sont abandonnés au milieu de l’Océan. Ni voile, ni terre en vue. Ils n’ont échappé à une catastrophe que pour subir la plus horrible des morts. Sur leurs faces hébétées ou convulsées, la faim, le désespoir, la folie, à différens degrés, ont gravé leur marque. Point de « petite femme, » de corsage qui baille ou de jupon qui se retrousse : rien qui distraie l’attention ou qui diminue l’horreur. Cela est aussi terrible que cela est simple et grand.
Donc Rowlandson eût pu être, lui aussi, s’il l’eût voulu, un maître du drame graphique. Mais il ne le voulut pas. Son tempérament décida de son talent et il préféra laisser en friche quelques-unes de ses facultés pour rester avec ceux qui « se hâtent