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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/841

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Pas plus que l’ancienne métaphysique, la biologie contemporaine n’a donc su nous donner une traduction grammatique satisfaisante de la douleur. Aussi bien, je ne vois pas pourquoi l’on devrait s’attarder à une pareille recherche. Serait-on plus avancé, je le demande, si par de laborieuses déductions on parvenait enfin à paraphraser scientifiquement un terme dont le sens, hélas ! n’est ignoré de personne ? En exprimant ce que tout le monde connaît, le mot lui-même ne renferme-t-il pas une définition suffisamment claire, suffisamment exacte, suffisamment laconique ?


De la difficulté qu’éprouvent les physiologistes à nous dire ce qu’est au juste la douleur, il ne résulte nullement que la nature du phénomène soit pour eux lettre close. Ils ont, au contraire, poussé très loin cette étude, et leurs efforts ont en grande partie abouti. Je dis en grande partie, car il est certains points sur lesquels la discussion reste encore actuellement ouverte. Au nombre de ces derniers figure notamment la question des rapports qu’offrent entre elles la sensibilité tactile et la sensibilité douloureuse.

Comme toujours, à la question qu’on lui demandait de trancher, la science a répondu d’abord par une solution très claire, très rationnelle, assez plausible pour qu’il parût inutile d’en rechercher une autre. C’est ainsi que longtemps il fut admis par tous, — et des savans de premier ordre l’admettent encore aujourd’hui, — que la douleur consiste en une simple exagération de l’impressionnabilité normale, l’aboutissant extrême de n’importe quelle sensation.

De prime abord, cette thèse semble rencontrer une irréfutable confirmation dans l’expérience suivante dont chacun peut à son gré varier les conditions : Soumettez une région quelconque de la surface de la peau à une stimulation légère, et d’habitude il s’ensuivra ce bien-être indécis, ce plaisir un peu vague, presque inconscient, que développe en nous le jeu régulier de nos organes. Mais, si l’excitation, sans changer de nature, augmente d’intensité, la fonction en est désagréablement troublée et le malaise apparaît. Qu’enfin l’irritation vienne à dépasser toute mesure, et, par une gradation insensible, la gêne va se métamorphoser en une véritable douleur. Entre la sollicitation initiale du nerf et le froissement final de ses fibres, il y a tout