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l’intervalle qui sépare une caresse d’un coup ; cependant la qualité de l’excitant est demeurée la même, le degré seul de l’excitation a changé.

A qui d’entre nous, au moins une fois en sa vie, n’est-il pas arrivé ceci ? Un ami dont vous avez fait la rencontre vient à vous la main tendue. Vous répondez à son avance, et l’attouchement sympathique de sa paume vous procure au premier moment une très douce impression. Mais il se fait que la personne en question est douée d’une poigne vigoureuse et qu’en témoignage du plaisir qu’elle ressent à vous voir, ses doigts prolongent et accentuent leur étreinte. Serrées dans cet étau vivant, vos phalanges, bientôt, s’emplissent de fourmillemens pénibles en même temps que s’incruste dans la peau le cercle métallique des bagues et que vos jointures, démesurément comprimées, semblent prêtes à craquer. Et voici que, maintenant, le très agréable contact de tantôt vous cause une souffrance intolérable ; le front baigné d’une sueur froide, sur le point de défaillir, force vous est de crier grâce et de supplier votre trop expansif ami de mettre un terme à ses chaleureuses effusions.

Voulez-vous un second exemple de cette fâcheuse transmutation ? Lorsque, las d’une longue course, vous plongez dans un bain vos membres courbatus, la chaleur tiède dont ils s’imprègnent apporte à vos nerfs un délicieux repos. Dans une demi-somnolence, les sens engourdis par la caresse de l’eau, vous vous abandonnez mollement à cette détente exquise. Malheureusement, dans votre hâte, vous avez omis de fermer le robinet de la chaudière. Graduellement, sans que vous y ayez pris garde, la température s’est élevée de plusieurs degrés. Un soupçon de malaise, venu l’on ne sait d’où, commence alors sourdement à troubler votre quiétude ; puis, la peau se fluxionne et s’irrite, des bourdonnemens montent aux oreilles, la tête tournoie sous l’action du vertige, le cœur se met à battre à coups précipités, la poitrine se resserre, les idées se font confuses, la congestion devient imminente. A la béatitude du début s’est substituée une inexprimable angoisse, — qu’une prompte émersion ne manquera pas de dissiper, mais dont ne s’effacera que très lentement l’impressionnant souvenir…


De ces constatations banales, faciles à contrôler, et d’autres expériences plus techniques que je crois inutile de mentionner,