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ce traitement barbare ; et la plupart aussi acceptaient résolument des opérations que rendaient particulièrement douloureuses l’inhabileté et la brutalité des chirurgiens d’autan.

Que l’on se remémore enfin les peines édictées naguère contre les régicides, et l’on aura la mesure des épreuves inénarrables qu’une créature humaine peut traverser sans périr. Un exemple de cette extraordinaire endurance, le plus émouvant de tous peut-être, nous est fourni par l’atroce et interminable supplice infligé à François Damiens, qui, chacun le sait, fut condamné à l’écartèlement pour une tentative de meurtre sur la personne royale et exécuté en place de Grève le 28 mai 1757.

Voici, d’après le récit textuel de Mercier, de quelle épouvantable façon fut appliquée la sentence :

« La main droite du patient fut d’abord brûlée lentement. La flamme lui arracha un cri horrible. Le greffier s’approcha alors du condamné et le somma de nouveau de désigner ses complices.

« Il protesta qu’il n’en avait pas. Au même instant, il fut tenaillé aux mamelles, aux cuisses, au gras des jambes et des bras ; sur lesdites plaies fut jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix, de la cire et du soufre fondus ensemble, pendant lequel supplice le condamné s’est écrié plusieurs fois : « Mon Dieu, la force, la force ! Seigneur, ayez pitié de moi ! Seigneur, mon Dieu, donnez-moi la patience ! »

« A chaque tenaillement, on l’entendait crier douloureusement ; mais, de même qu’il avait fait lorsque sa main avait été brûlée, il soulevait la tête pour regarder chaque plaie, et ses cris cessaient aussitôt.

« Enfin, on procéda aux ligatures des bras, des jambes et des cuisses pour opérer l’écartèlement. Cette préparation fut très longue et très douloureuse. Les cordes, étroitement liées, portant sur les plaies vives, cela arracha de nouveaux cris au patient, mais ne l’empêcha pas de se considérer avec une curiosité singulière.

« Les chevaux ayant été attachés, les tirades furent réitérées longtemps avec des cris affreux du supplicié ; l’extension des membres fut incroyable, mais rien n’annonçait le démembrement. Malgré les efforts des chevaux excités à grands coups de fouet, cette dernière partie du supplice durait depuis plus d’une heure, quand, sur l’avis des chirurgiens assistans, les commissaires,