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être très probablement connu et fréquenté par les Romains, peut-être même avant eux. Mais on sait qu’au moyen âge il était très prospère. On y armait alors sur une assez grande échelle pour la pêche du hareng. On y recevait en grande quantité du poivre, du gingembre et toutes sortes de produits exotiques, ce qui indique des relations régulières avec l’Orient. Au XIe siècle, Pont-Audemer fut mis à contribution par Guillaume le Conquérant et lui fournit un certain nombre de navires, qui prirent part à son expédition en Angleterre. Divers cartulaires normands du XIIIe siècle le mentionnent comme un centre industriel et commercial d’une sérieuse importance. La situation s’est beaucoup amoindrie. Le port actuel n’est, comme il l’a d’ailleurs toujours été, qu’un élargissement de la Riscle au milieu de la coquette ville qu’elle traverse, formant un petit bassin dans lequel peuvent évoluer les bateaux de faible tonnage qui font un service à peu près régulier entre Pont-Audemer et le Havre et Rouen. Son tirant d’eau n’est que de 3m, 50. Les petits caboteurs seuls peuvent y avoir accès. Le mouvement est cependant d’une trentaine de mille tonnes : des charbons anglais et les bois de Scandinavie, à l’entrée ; à la sortie, des pommes à cidre et des produits agricoles, presque toujours à destination de l’Angleterre, et surtout des peaux ouvrées et des cuirs fabriqués dans les nombreuses tanneries alimentées par la Riscle et qui jouissent en France et même à l’étranger d’une réputation méritée[1].

Il est peu de points de notre littoral que la nature ait mieux préparés que la gracieuse conche de Honfleur pour le développement d’un établissement maritime. Tout y est bien disposé. Un léger enfoncement de la côte entre deux coteaux boisés, un mouillage assez bien protégé contre les vents du large, l’embouchure d’un grand fleuve, l’ouverture d’une vallée profonde dans laquelle un petit ruisseau, la Claire, entretient naturellement un chenal à travers les sables, une crique sur un bon fond où l’on a trouvé de tout temps un échouage commode et un abri excellent. Bien qu’aucun des géographes classiques n’ait fait mention de Honfleur, il est impossible que la rive gauche de la Seine n’ait pas été aussi connue, aussi recherchée que la rive droite, et qu’en particulier la petite anse, dont la côte de Grâce et la côte Vassale forment les deux pylônes protecteurs, n’ait pas été

  1. Canet, Essai historique, archéologique et statistique sur l’arrondissement de Pont-Audemer. Paris, 1833.