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d’aventure des chasseurs de l’époque primitive, poursuivant leurs rennes et leurs chevreuils jusqu’à la limite même où le plateau surexhaussé s’arrête brusquement à pic et tremble quelquefois sous les coups répétés des vagues. Le vol des oiseaux de passage était d’ailleurs par lui-même une première indication ; et, poussés par leur sang un peu marin, les habitans des côtes du Belgium ont dû de tout temps se confier à leurs bateaux de cuir et d’osier et tenter la fortune de l’autre côté du détroit. Bien avant que le Marseillais Pythéas ait accompli son prodigieux voyage et remonté les côtes de l’Océan depuis le détroit de Gadès jusqu’aux îles Cassitérides, les premiers occupans de cette partie du littoral de la Celtique avaient donc dû franchir la Manche et très certainement coloniser la partie de la côte de la Grande-Bretagne qui leur faisait face et était baignée par la même mer que celle de leur pays. La moindre voile latine et un peu de beau temps suffisaient pour faire l’expédition. C’est d’ailleurs la marche générale de toutes les migrations humaines depuis l’origine des temps, allant toujours de l’Orient vers l’Occident ; et il est curieux de remarquer qu’en franchissant ainsi le détroit, les gens du Belgium donnèrent aux villes qu’ils fondèrent sur leur nouvelle patrie les noms mêmes de la terre gauloise qu’ils venaient de quitter et dont ils s’exilaient peut-être pour toujours, entraînés par cet irrésistible attrait de l’inconnu qui est sans doute le principal élément de toutes les grandes aventures et des plus fécondes opérations coloniales. Londres même, a-t-on pu dire avec raison, n’est que la fille d’un bourg de notre continent. Ce bourg paraît avoir été Londinières, Londinum, qui se trouve à quelques kilomètres de Dieppe, dans la vallée de l’Eaulne. Douvrend, qui dans la même vallée est encore plus rapproché de la mer, semble de même avoir donné son nom à Douvres, Dubris[1]. On retrouve donc les mêmes désignations pour trois villes des deux côtés du détroit. Limes, Douvres et Londres. On pourrait peut-être en retrouver d’autres ; et il semble qu’il y ait là tout à la fois une indication d’origine, un lien généalogique, une preuve de descendance directe, une sorte de parenté.

Quoi qu’il en soit, il est intéressant de remarquer que c’est par la vallée de la Béthune et de l’Eaulne, dont le confluent

  1. Cf. E. Maison, Civilisation et religions. Une explication sur l’étymologie de Londres. — Il y a aussi un Douvres, tout près de la mer, dans le Calvados.