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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/919

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pagne, en dénoua un coin, prit quelque vingt roupies qui s’y trouvaient enfermées, et il pria le saint ascète de les accepter et d’excuser la modicité de l’offrande.

Appuyé sur son bâton, le sanniassy parla alors, et son regard, vide à force d’avoir contemplé fixement le soleil, semblait se perdre dans l’immensité bleue du ciel sans nuages : des Iroulas, de ces chasseurs d’abeilles qui vont par la montagne, étaient descendus dans les villages, au-dessous. En vendant leurs récoltes de cire et de miel, ils avaient appris des choses importantes. Le fakir les avait ouïes de leur bouche. Encore que ces coureurs de ghâts soient le rebut de l’humanité, leurs paroles méritent créance. Ils sont, en effet, trop simples pour atteindre jusqu’à la difficulté du mensonge. Ils avaient rapporté que les impôts allaient sans cesse en augmentant, et le rajah Chatoun passait sa vie dans les plaisirs. Une bayadère de Vélore, que l’on connaissait à Tindivanam sous le nom de Poumi, était sa principale favorite. Poumi était célèbre pour sa cupidité et son luxe. Habitant avec sa mère dans une maison privée, contre toute règle, elle thésaurisait, vendait les charges et la justice. Mais, pour riche qu’elle fut, cette créature ne savait que crier misère, et, toujours prête à recevoir le plus offrant, elle confiait à chacun ses plaintes sur le peu de libéralité du prince Chatoun à son endroit.

Bidji, du discours de ce fakir, conclut que les temps étaient venus pour lui de tenter quelque chose pour ressaisir le pouvoir. Il suffirait d’acheter Poumi et d’ourdir une conspiration qui aboutirait au meurtre de Chatoun. Et le sanniassy consentit à se charger de cette affaire, quand il eut appris que Bidji possédait une grosse somme enfouie en lieu sûr.

— Que Çiva te protège, mon fils ! conclut-il en prenant congé. Si ce n’est pas Poumi qui tue ton ennemi, ce sera moi…

Et, comme le proscrit, que son existence de caller avait rendu irrévérencieux, souriait, le sage ajouta :

— Rien n’est impossible aux vanaprasthas du désert ! Rapproche-toi donc de Ghiwa. Sous peu de jours, je te ferai prévenir par un messager.

Et il s’éloigna, boitant. Longtemps après qu’il eut disparu, Bidji entendait résonner les garnitures du bâton. Mais, si chancelante que fût l’allure de l’ascète, elle ne l’en mena pas moins à Tindivanam dans le temps qu’il faut au soleil pour parcourir