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Viterbe, ou si peu. Ah ! si Sainte Rose était fêtée au printemps ! On verrait, cela n’est pas douteux, les murs de Rome se couvrir d’affiches multicolores, proclamant que la fameuse macchina, haute de vingt mètres, doit se promener dans la ville, à des d’hommes, éclairée a gionio, après le coucher du soleil ; et la maison Cook organiserait des trains de plaisir avec wagons-restaurans pour y transporter la foule hypnotisée et docile. Mais la Sainte-Rose a le mauvais goût de tomber au commencement de septembre, alors que l’Italie centrale est veuve de forestieri. Tant pis pour elle et tant pis pour Viterbe ! Ce ne sont pas les rares curieux venus de Rome pour voir la macchina qui se plaindront, car c’est un plaisir exquis que de flâner dans une ville italienne sans avoir les oreilles écorchées par des voix gutturales et les yeux blessés par les couvertures écarlates des impitoyables in-12, ces bréviaires des pèlerins modernes.

Accourant des bourgs et des villages voisins, les contadini envahissent, dès le 2 septembre, le corso, la principale artère de Viterbe. Dans cette région, on adore les fêtes ; chaque ville, chaque bourg célèbre la sienne aussi brillamment qu’il peut, dans la belle saison. A ses hôtes de passage, la municipalité viterboise offre des courses de chevaux, une tombola, un feu d’artifice, maigre régal auquel fort heureusement vient s’ajouter le transport de la macchina triomphale. C’est la pièce de résistance qui a servi de motif ou, pour mieux dire, de prétexte à l’exode du petit groupe de Romains et de diplomates dans lequel je me trouve, car le désir de voir ou de revoir Viterbe est loin d’être étranger à notre déplacement. On pourrait penser, il est vrai, que l’époque d’une fête populaire est mal choisie pour visiter une petite ville en toute indépendance. Il n’en est rien. Ici, tout au moins, la foule ne se montre pas gênante. Le matin, elle envahit le corso et les abords de l’église Santa-Rosa ; elle se « repose » dans l’après-midi, selon l’habitude locale de la sieste ; vers cinq heures, elle se porte docilement sur le point que le programme des fêtes indique comme centre d’attraction. Le reste de la ville demeure morne, silencieux, quasi désert comme à son ordinaire. Les « curiosités » de Viterbe n’exercent visiblement aucune attraction sur le commun de ses hôtes.

Comme Viterbe est par excellence la ville des tours, mon premier soin est de monter à celle dite de l’Orologio, la plus haute de toutes : elle a quarante-deux mètres. Aussi bien, pour