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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/122

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La ville se déroule en de frappans contrastes de couleur. Même sous les baisers du soleil, elle conserverait un aspect tant soit peu rébarbatif, en raison de ses constructions noircies par le temps, n’étaient ses toits aux tuiles teintées de rouille et les innombrables jardinets qui verdoient aux quatre points cardinaux. Du côté de la montagne, les maisons se pressent les unes contre les autres, jusqu’au pied des murailles crénelées. Du côté de la plaine, au contraire, de vastes espaces occupés par des vergers sont compris dans l’enceinte fortifiée du moyen âge, au-dessous des escarpemens qui dessinent sur ce point une première ligne de défense. Ces espaces vides attestent la décadence de Viterbe, qui comptait soixante mille âmes à l’époque de sa grandeur et n’en renferme plus aujourd’hui qu’une vingtaine de mille. Il n’y a pas une moindre éloquence dans les cent soixante tours féodales qui ont survécu. A la vérité, elles ne menacent pas le ciel comme celles de San-Giminiano. Les statuts communaux punissaient la rébellion des nobles par la démolition de leurs tours ; on se contentait d’abaisser ces tours, quand il s’agissait de moindres délits. Or, comme on le constatera bientôt, nulle aristocratie ne se montra plus indocile et plus turbulente que l’aristocratie de Viterbe. C’est dire que grand fut le nombre des tours seigneuriales qui disparurent, plus grand encore le nombre de celles qui furent découronnées. Les tours qui attirent encore le regard, loin de marquer la puissance et l’audace de leurs anciens maîtres, ne signalent que leur humeur relativement pacifique.

Du campanile municipal, l’attention se porte tout d’abord sur une sorte d’îlot, relié à la ville par un pont qui surplombe un ravin profond. Cette éminence est en grande partie occupée par une masse imposante formée de la cathédrale et de l’évêché. Là se dressait autrefois la forteresse ; là fut le berceau de Viterbe. C’était un paesello, aux temps reculés du royaume lombard, l’un des derniers postes que les Lombards occupaient dans le Sud : on l’appelait le castello di Viterbo. Lorsque Didier se rendit dans cette région, avec le dessein d’aller assiéger le pape Adrien dans Rome, il fut frappé de la force naturelle de cette position. Des précipices entouraient le « château » de toutes parts : on n’y accédait que par un pont jeté sur la vallée par les Etrusques : Didier munit ce poste de murailles et en fit son quartier général. C’est alors qu’on vit apparaître au camp lombard les légats pontificaux, chargés, non de prières, comme on se plaisait