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à le supposer, mais de terribles menaces spirituelles à l’adresse de l’audacieux envahisseur. Le roi barbare fut atterré : il suspendit aussitôt la marche de ses troupes. Sur ces entrefaites, il apprenait que Charlemagne avait franchi, avec ses Francs, le passage des Alpes : il partit en toute hâte vers le Nord avec une partie de ses forces et courut s’enfermer dans Pavie. On sait que Pavie dut ouvrir ses portes et que Didier termina ses jours dans un couvent près de Corbeil. Privés de leur chef, les Lombards que Didier avait laissés à Viterbe s’y établirent, formant ainsi, sur le penchant du mont Ciminien, une colonie militaire et isolée ; ils se mêlèrent à la population locale et lui infusèrent, avec le sang barbare, les instincts batailleurs de leur race. M. Pinzi, le docte historien de Viterbe, retrouve dans sa ville natale des témoignages nombreux et significatifs de cette origine lombarde.

Devenu forteresse crénelée, le castello vit les différens quartiers de la ville actuelle sortir peu à peu de son sein comme d’un foyer fécond et se déployer vers le Nord. La querelle des investitures fit faire à Viterbe un pas décisif en avant. Tandis que les papes excommuniaient les empereurs et que les empereurs répondaient à ces anathèmes en suscitant des antipapes, elle se constitua sans coup férir en commune autonome, sinon juridiquement indépendante. Son premier soin fut de pourvoir à sa sécurité : elle s’entoura de murs. N’ayant plus rien à craindre pour sa liberté, elle menaça celle des autres. Ses milices assujettirent successivement toutes les terres d’alentour. Ferento résista et fut rasée, Viterbe grandit rapidement au point d’exciter la jalousie des Romains. Un empereur lui avait concédé le titre de « cité. » Un autre, Frédéric Barberousse, ayant entrepris d’humilier le pape Alexandre III dans Rome, fit à Viterbe une entrée solennelle. Comme un représentant de Dieu sur la terre, le César germanique bénissait le peuple de sa main étendue ; le peuple répondait par ses acclamations. Suivi des milices viterboises, traînant avec lui l’antipape Pascal, Barberousse mit le siège devant la Cité léonine. Les Romains opposèrent une résistance opiniâtre, mais ils cédèrent dès qu’ils virent la basilique vaticane menacée par les flammes. Pendant que les Allemands pillaient le trésor de Saint-Pierre, les Viterbois se contentaient d’en desceller les portes de bronze, qu’ils emportèrent dans leurs murs comme un trophée.