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déjà à cheval quand un des complices de cet assassinat fit à Guy de Montfort cette étrange question : « Qu’avez-vous fait, monseigneur ? — Tu le vois, je me suis vengé. — Avez-vous donc oublié, poursuivit l’autre, que votre père a été ignominieusement traîné par les cheveux à travers le camp anglais, après avoir reçu le coup fatal ? » À ce souvenir, Guy est saisi d’un nouvel accès de fureur. Il rentre dans l’église comme un ouragan et, saisissant le cadavre du Plantagenet par les cheveux, il le traîne hors du saint lieu en l’insultant ; puis, remontant lestement en selle, il s’enfuit à bride abattue. Ce crime, commis de sang-froid presque sous les yeux du roi de France, exigeait une punition exemplaire. Les cardinaux fulminèrent l’excommunication contre les coupables. A Charles d’Anjou incombait le devoir de laver l’injure infligée à la couronne d’Angleterre, car il représentait dans l’espèce le bras séculier. Mais, comme les Montfort comptaient parmi ses fidèles, le frère de saint Louis se contenta de confisquer leurs biens — à son profit. Grégoire IX voulut se montrer meilleur justicier. Il était à peine assis sur le trône pontifical qu’il mit Guy de Montfort hors la loi. Simon était mort peu de temps après l’assassinat du prince anglais.

Voilà de farouches souvenirs attachés aux principaux monumens de Viterbe. La place de la Rocca rappelle une époque moins troublée. La forteresse fut construite par le cardinal Albornoz, après qu’il eut vaincu et fait prisonnier Giovanni de Vico, le plus ambitieux des tyranneaux de Viterbe. La Rocca avait pour mission de tenir en respect un peuple indocile et de décourager les desseins des grands. Détruite, puis rebâtie, elle ne fut achevée que par Paul III. Sous l’administration des légats, les esprits s’apaisèrent insensiblement. Il y a beaux jours que la Rocca a perdu, avec ses créneaux et ses fossés, sa physionomie de forteresse ; elle est tombée au rang de simple caserne. Il lui faut ses hautes murailles et l’écusson fleurdelysé des Farnèse pour attester qu’elle est de date ancienne et de noble origine. Elle n’en communique pas moins quelque caractère à la vaste place sur laquelle s’élève le monumental autant que médiocre hôtel Grandori.

Une fontaine, construite sur les dessins de Vignola, agrémente la place. Aussi bien Viterbe s’intitule-t-elle la « ville des belles fontaines. » Les Italiens ont de tout temps été passionnés pour