les eaux. Leurs ancêtres divinisaient les sources ; ils construisaient des bains publics d’une rare magnificence et des aqueducs pour alimenter leurs thermes ; afin de rafraîchir la villa d’un César, ou même d’un simple sénateur, on détournait une rivière. Le luxe des fontaines est encore répandu dans toute l’Italie. Les villas de la Renaissance ont été pourvues, bien avant Versailles, de cascades artificielles, de châteaux d’eau, de monstres vomissant des torrens avec fracas. Le nom des plus grands artistes est attaché à ces créations charmantes. Pérouse montre avec orgueil sa fontaine de Niccola Pisano, si gracieusement étagée ; Sienne a Fontebranda que Dante a célébrée dans ses vers. A Rome, on trouve trois variétés du genre pittoresque aux places Navona, du Triton et de Trevi, populaires parmi les touristes. Dans les vieilles fontaines de Viterbe, M. Pinzi a démêlé une ressemblance frappante avec celles de Berne. Il retrouve dans leur structure l’influence indéniable du goût septentrional, de la tradition lombarde. Originale assurément, la Fontana Grande, dans son style composite du XIIIe siècle ; encore davantage, la fontaine de Pianoscarano, avec son cippe hexagone, sa pyramide tronquée, ses colonnettes et ses lions. Dans les chaudes après-midi estivales, les gens de Viterbe aiment à se grouper autour de ces frais bassins. Le soir, le murmure des eaux qu’on ne voit pas jette une note mélancolique dans les rues désertes.
Les fontaines répandent ainsi leur note poétique au milieu des palais délabrés, des tours revêches, des églises solitaires ; mais, filles elles-mêmes du moyen âge, restaurées, non gâtées par des mains respectueuses, elles adoucissent, sans l’altérer, le caractère original qui fait de Viterbe une ville à part. Le XIIe et le XIIIe siècles y respirent aussi librement qu’à Sienne le XIVe et le XVe. On chercherait en vain ici les palais romantiques, les musées débordant de précieuses dépouilles, les églises chargées des trésors que l’art, en sa jeunesse, est capable d’enfanter. A Viterbe, l’art ne s’est jamais épanoui en manifestations enthousiastes. Les sculpteurs et les peintres n’ont prêté qu’exceptionnellement leur concours aux architectes et aux ingénieurs, qu’il s’agît d’édifices publics ou privés, civils ou religieux. Il se peut que l’exclusion des arts destinés au seul agrément des yeux ou à la satisfaction des sens soit un fruit de l’incessant besoin d’action qui tourmentait les compatriotes de Capocci. Comment oublier, cependant, que Viterbe atteignit l’apogée de sa grandeur