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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/167

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professionnelle, sont les « petits rôles » muets des théâtres « à femmes. » De celles-là on n’exige qu’une » apparence et un visage suffisamment attrayant. Le recrutement en est difficile, parce que, leurs appointemens commençant à 70 francs par mois et allant rarement jusqu’à 150, il ne se trouve pas beaucoup de jolies personnes, même parmi celles qui ne sauraient prétendre ; à aucun prix de vertu, pour briguer ces emplois.

Quant à la figuration proprement dite, elle se paie, dans les théâtres de féerie, un franc par personne et par soirée. Telle famille où le père est porteur aux Halles, la mère femme de ménage, et dont les enfans vont à l’école dans la journée, trouve un utile supplément de salaires dans sa participation quotidienne aux drames émouvans du boulevard. Sur les scènes qui emploient une figuration considérable, on prend selon les besoins tout ce qui se présente pour faire « la foule, » sans trop demander de références. De là un monde un peu mêlé. Il arrive aussi aux recruteurs, qui cherchent à économiser sur la somme destinée à leur personnel, d’embaucher ce qu’on appelle en argot théâtral des « têtes à l’huile, » c’est-à-dire des amateurs qui ne demandent point d’argent.

Mais, avec de tels élémens, on ne produirait que du désordre. Il faut un noyau de réguliers dans lequel s’encadrent ces passans ; ils exécutent ponctuellement les mouvemens réglés que les autres n’ont qu’à reproduire. Dans les théâtres de premier ordre, où le paiement se fait par les soins de l’administration, sans marchandage, dans ceux aussi où l’on n’a pas besoin de véritables masses, on arrive à avoir de très braves gens, toujours les mêmes, soigneux, obéissans, bien « en main, » prenant goût peu à peu à ce métier complémentaire. Ce sont le plus souvent des concierges, des ouvrières travaillant chez elles, où elles gagnent 1 fr. 50 ou 2 francs plus péniblement qu’au théâtre. Il se glisse aussi parmi eux quelques acteurs, inoccupés, des théâtres de banlieue : on les reconnaît à la naïve importance qu’ils cherchent à se donner.

Dans cette race mixte des figurans, à moitié acteurs, à moitié décors, tour à tour héros, botes ou machines, dont le pied doit être fait à toutes les chaussures et la tête à toutes les perruques, il s’établit une sorte de hiérarchie ; aux sujets d’élite sont dévolues les fonctions délicates de remettre une lettre avec grâce, de s’avancer fièrement pour ramasser le gant du combat ; tout ce