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pour elle-même, mais surtout pour la beauté ou le charme personnel d’illustrations qui avaient nom Taglioni, Fanny Elssler ou Carlotta Grisi. Ce n’était plus la prestesse savante, la virtuosité de la gymnastique, ni même la grâce toute seule, qui séduisait ; c’était le ragoût sensuel des formes féminines et le coup d’œil agréable de leur déploiement. Aujourd’hui, la danse masculine est morte ; on ne conserve les sujets mâles que pour les rôles de vigueur et comme une pépinière de professeurs ou de « maîtres de ballet, » sans lesquels il serait impossible de monter le ballet « poétique. » Celui-ci, du reste, est sérieusement menacé par la concurrence du ballet « mécanique, » importé d’Italie, qui florit dans les musics-halls, et par l’indifférence que lui témoigne le public payant. De plus, les opéras nouveaux, du type wagnérien, ne réservent presque aucune part à la danse ; si cet état de choses continue, on peut craindre que « Madame Cardinal » ne doive ménager un jour une autre carrière à ses filles.

Les enfans que leurs parens destinent à cet art difficile, et dont la plupart appartiennent à des familles de petites gens ayant plus ou moins touché au théâtre, n’ont pas plus de 7 à 8 ans. Au-dessus de 9 ans, on ne les prend guère. Il leur faut, pour réussir, une conformation prédisposée ; celle que la nature a doté d’une poitrine trop faible ou de nerfs trop puissans n’arrive, au bout de quinze ans d’études, qu’à faire une mauvaise coryphée. Tertullien parle, dans son Traité des spectacles, du mime de son temps, torturé depuis l’enfance pour devenir artiste, — pantomimus a pueritia patitus in corpore ut artifex esse possit. — Non moins pénible est le travail de la danseuse actuelle.

Il convient pourtant de reléguer dans le domaine des légendes les appareils douloureux, anneaux, courroies, boîtes à rainures, où l’élève devrait emprisonner ses pieds et suspendre son corps, pour apprendre à « se tourner » ou à « se casser. » Ces mécaniques, bien que décrites maintes fois, n’ont jamais été en usage. La danse est le contraire de l’acrobatie. On n’y atteint à la souplesse que par la force.

Aux élèves de la « petite classe, » on apprend d’abord les cinq positions classiques, qui sont l’a, b, c, du métier. La première consiste à se tenir les genoux en dehors et les pieds talon contre talon, sur la même ligne, avec les pointes absolument horizontales ; ce qui, pour un profane, est plus facile à écrire