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pour les barques de pêche, qu’on hale à mer basse, comme à Étretat, sur la grève, à grand renfort de cabestans. La vallée est d’ailleurs très pittoresque. La falaise se dresse en lignes admirables ; et, pendant l’été, c’est un rendez-vous très fréquenté de baigneurs paisibles dans un site vraiment charmant.

Le grand port de pêche de cette région des falaises est Fécamp. Il est situé au pied du magnifique escarpement du cap Fagnet qui atteint plus de 100 mètres de hauteur verticale, au confluent de deux petits cours d’eau, les rivières de Valmont et de Ganzeville, à l’embouchure d’une jolie « valleuse » très largement ouverte et dont l’entrée est défendue contre les irruptions des mers d’Ouest par une digue de galets qui n’a pas moins d’un kilomètre de longueur. Elle fait même plus que la défendre ; car les galets, charriés par le courant de flot, projetés même à une certaine distance, comme des projectiles, par les vagues qui déferlent par les tempêtes du large, sont venus plusieurs fois encombrer la passe et la combleraient assez rapidement sans le secours de chasses et surtout de dragages multipliés. Les annales du port ont conservé le souvenir de la tempête de 1663, égale en violence aux plus terribles ouragans de l’Océan Indien. La vallée fut complètement barrée. Le galet fit invasion dans le chenal et s’y répandit comme la coulée de lave d’un volcan ; et il fallut, pendant plusieurs mois, le travail opiniâtre des habitans pour rétablir la communication complètement obstruée entre l’avant-port et la mer. Fécamp est toujours un peu sous le coup d’une pareille alerte ; mais, grâce aux travaux de défense, — jetées et estacades exécutées depuis quelques années et dont la saillie est très avancée, — on tient en échec la rivière littorale de galets qui commence au cap d’Antifer et dont le volume s’augmente naturellement avec le chemin parcouru et le développement de la falaise qui les fournit. Ces galets s’amoncellent sans cesse contre les jetées ; ils finiront peut-être un jour par les tourner ; mais ils ne présentent pas de danger immédiat[1].

La lutte entre les ingénieurs et la mer et surtout le galet est d’ailleurs continue dans tous les ports de la côte normande ; mais, sauf cataclysme imprévu, leur entrée est aujourd’hui presque toujours assurée par tous les temps. Ce résultat n’a pu être obtenu qu’au prix d’efforts et de dépenses considérables, et

  1. Lamblardie, Mouvement des galets sur les côtes de Normandie, 1789, op. cit.