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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/238

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à Paris, ni à Saint-Pétersbourg, et c’est ce dont des diplomates consommés comme le comte Lamsdorf et le marquis de Montebello devaient se rendre aussi bien compte l’un que l’autre. Il n’était pas nécessaire entre eux de longues conversations pour s’entendre à ce sujet. Le gouvernement russe a trouvé de lui-même, et très spontanément, l’occasion de manifester une fois de plus la solidité d’une alliance que tant de questions traitées en commun n’avaient fait qu’affermir, et le voyage de l’Empereur a été décidé. Ce voyage a un caractère politique encore mieux déterminé que celui de 1896. À cette époque, l’empereur Nicolas est venu voir la France elle-même, et, s’il est permis de le dire, le peuple français. Il s’est rendu directement à Paris, et c’est là qu’il a passé la plus grande partie de son séjour, au milieu d’une population pleine de joie, d’entrain et de respect, pour laquelle ces fêtes sont restées inoubliables. La bienveillance de l’Empereur et la grâce de l’Impératrice avaient aussitôt conquis tous les cœurs. Quels qu’aient été l’éclat de la revue de Châlons et l’émotion intense qui s’en est dégagée, le but principal du voyage avait été la capitale. Cette fois il en est autrement. On ne sait même pas encore si l’Empereur viendra à Paris : en tout cas, il n’y restera que quelques heures. Ce qu’il verra de la France, c’est sa flotte et son armée : il assistera à des manœuvres navales et militaires. L’occasion est bonne aussi pour lui de faire la connaissance personnelle du nouveau président de la République, M. Loubet. Au lieu de séjourner dans son ambassade comme il y a cinq ans, c’est au château de Compiègne qu’il recevra l’hospitalité. Que de souvenirs endormis depuis longtemps vont se réveiller dans cette vieille résidence dont la solitude et le silence semblaient s’être définitivement emparés ! Le second voyage de l’Empereur parmi nous, bien qu’il corresponde aux mêmes sentimens que ceux d’autrefois, aura donc une physionomie nouvelle. Et cela est bien ainsi, car il ne faut jamais refaire deux fois la même chose : mieux on a réussi la première, plus il est prudent de ne pas recommencer dans les mêmes conditions.

A peine est-il besoin de dire que le gouvernement n’a pas manqué de triompher du succès qu’il venait d’obtenir, et nous reconnaissons qu’il en avait le droit dans une certaine mesure : mais cette mesure a été bien vite dépassée par lui, et surtout par ses amis. Qu’un ministère comme celui-ci, comprenant parmi ses membres des radicaux très avancés et le chef même du parti socialiste, ait la bonne fortune de pouvoir faire à l’empereur de Russie les honneurs de la France, de sa marine que dirige M. de Lanessan et de son armée que dirige le