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même époque qu’elle lui disait. « Préoccupez-vous beaucoup de ma santé. C’est juste. Mais ne vous préoccupez plus de mon cœur. C’est une injure. Je vous en prie, ne songez plus à lui que pour votre plaisir. Soyez sûr de mon cœur comme du votre. Soyez sûr que je vous dis vrai. »

Du reste, elle ne trouvait pas quelle lui exprimât jamais assez combien grande était la place qu’elle lui avait faite dans sa vie. Aussi, s’ingéniait-elle à le lui répéter, à l’en convaincre. « Je vous aime, je vous aime, je vous attends. Je vous le dirai autrement quand vous serez là devant moi, près de moi. Quel plaisir ! Adieu. » — « Adieu, vous qui n’êtes pas une illusion, vous qui êtes ma seule vérité, vérité que je chéris, que je chérirai toute ma vie. » — « Vous ne m’avez jamais donné un mauvais moment. Tout ce que vous me dites est si bon, si affectueux, si tendre. Je veux le mériter, je le mérite, car, j’ai le cœur si reconnaissant, si plein d’affection. »

Lorsqu’elle lui parlait ainsi, c’est qu’elle avait reçu de « douces paroles » telles qu’elle les aimait et lui en demandait souvent. « Si je parlais la langue de Pétrarque, lui avait-il écrit, je vous dirais que dès qu’il s’élève dans mon unie une impression douce, elle me quitte et va vous chercher. Si elle vous trouve, elle me revient. Si elle ne vous trouve pas, elle me quitte tout à fait. » Ou encore : « Je me suis promené deux heures seul, aussi jeune que l’air, que les bois, que les champs. Je ne le dis qu’à vous ; vous ne le direz à personne… Je vous voudrais comme ma vallée, fraîche et riante. Je la regarde avec envie en pensant à vous. Je vous vois maigre, triste, despouding, en larmes. Je reste en vous ; je resterai toujours avec vous. »

Comment n’eut-elle pas été ravie de ce langage ? C’est après en avoir savouré la douceur qu’elle écrivait dans un élan de reconnaissance : « Que je vous remercie de la douce musique qui m’attendait à mon réveil. J’ai lu et relu ces paroles si sérieuses, si tendres, si intimes, si vraies. Je vous dois une grande jouissance. Vous avez remis bien du calme dans mon Ame. Non, sûrement, mon humeur ne s’adressait pas à vous, elle ne s’adressera jamais à vous. Mon Dieu ! que je serais coupable si je me permettais jamais une injustice, une impatience envers vous. Mais, je suis triste, je resterai triste jusqu’à ce que je vous revoie… l’éternité, dans huit mois ! » C’est cette tristesse abominable qui la torturait. Impuissante à la secouer, elle la subissait