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naître les préventions les plus grandes à l’égard de nos colons et les idées les plus erronées relativement à leur œuvre. On a tout d’abord confondu le colon, le vrai, celui qui cultive et exploite le sol, avec le politicien, l’homme d’affaires, le spéculateur ; la population paisible, laborieuse des campagnes, qui a mis en valeur le sol, avec certaine population cosmopolite, bruyante et agitée des villes, qui s’est trop souvent enrichie à ses dépens. On l’a confondu ensuite, lui, l’homme par excellence de toutes les initiatives et de toutes les énergies, ennemi de toute tutelle, ne comptant que sur ses ressources personnelles et sur ses bras pour féconder la terre et violenter la fortune, avec le parasite implanté à grands frais dans une concession par l’autorité officielle et qui entendait bien n’être venu de France que pour vivre aux dépens de l’administration. On n’a voulu voir que certains échecs de la colonisation officielle, et on a tu les merveilleux résultats obtenus par la colonisation libre. Jamais on n’a pu ou su faire le point de départ de ces deux moyens de colonisation, et le discrédit dans lequel est tombée la colonisation officielle a rejailli sur l’œuvre des colons libres et indépendans.

Présenter un tableau succinct de la colonisation algérienne autant que le peuvent permettre les documens que nous possédons ; raconter les efforts, les luttes des colons et les difficultés de toutes sortes avec lesquelles ils ont été aux prises ; montrer combien leur œuvre, pour ardue qu’elle ait été, est grande et belle, est notre but. Nous déduirons aussi de ce travail les conséquences et les enseignemens qu’il comporte. Que de mécomptes, que d’erreurs, que d’écoles eussent été épargnés à la métropole, si elle avait suivi la voie que lui avaient montrée et tracée les premiers colons.

L’histoire de la colonisation algérienne, telle que nous la comprenons, doit, à notre avis, se diviser en trois périodes : la première est la phase héroïque, les années de poudre, comme on l’appelle, celle où les colons luttent par le fer et par la pioche, seuls et sans aide d’aucune sorte, et accomplissent des merveilles. C’est une période remplie exclusivement par la colonisation libre. Elle s’étend de 1830 à 1842, de l’année de la conquête à l’année de la pacification définitive du Sahel et de la Mitidja. La deuxième période va de 1842 à 1856 ; c’est la période de l’assainissement et du défrichement en grand du pays, période rendue plus meurtrière encore que la précédente sinon par les balles, du moins par