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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/345

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LES COLONS DE L’ALGÉRIE

I
LA PHASE HÉROÏQUE DE LA COLONISATION

Le soldat et le colon ont fait l’Algérie ce qu’elle est, le premier en la conquérant par les armes, le second en défrichant le sol par la pioche et la charrue. Les faits et gestes de nos troupes sont connus : les exploits de nos soldats ont trouvé de nombreux historiens qui les ont célébrés et qui nous ont narré dans leurs plus minutieux détails les divers épisodes de la conquête : la victoire de Staouéli, le passage des Portes de Fer, le siège de Constantine le combat de Béni-Mered, la prise de la Smalah. Mais si l’œuvre de nos soldats a été mise en évidence avec une suffisante lumière, on n’en saurait dire autant de l’œuvre de nos colons. Si l’histoire de la conquête est faite, l’histoire de la colonisation est encore à faire. Le rôle qu’ont joué nos colons, celui qu’ils jouent encore, est ignoré et c’est avec juste raison qu’on a pu dire, en se plaçant à ce point de vue, que l’Algérie est un pays inconnu à la France. Cette ignorance des hommes et des choses de la colonisation algérienne est même un fait tellement acquis que des rapporteurs du budget de l’Algérie, et des plus éminens[1], n’ont pas craint d’avouer « qu’ils ignoraient de notre colonie à peu près tout ce qu’un Français en ignore généralement, c’est-à-dire presque tout. » Une telle ignorance a causé et cause encore les plus graves préjudices à notre colonie et à la métropole. Elle a fait

  1. Burdeau. L’Algérie en 1891, Hachette. Note préliminaire, p. 11.