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contraire du temps d’arrêt marqué par l’attaque, pour accentuer ses propres efforts et regagner du terrain. Mais c’est là une éventualité peu probable. Si l’attaque a été menée à fond et avec toute la violence voulue, il est vraisemblable que l’adversaire aura lui-même, peu à peu, mis une grande partie de ses réserves en ligne ; il s’estimera heureux d’avoir résisté sur place, de n’avoir pas été rompu par les efforts désespérés de l’assaillant, et, quand ce dernier s’arrêtera, il sera très enclin à croire la journée finie, à céder par conséquent à l’épuisement moral qui succède fatalement à un violent effort. On voit par là dans quelles conditions inégales commencera la deuxième bataille.

Si cependant l’adversaire continue énergiquement le combat au moment où l’attaque marque son temps d’arrêt, il ne fera que raccourcir l’accalmie, en marchant lui-même à la rencontre du 2e corps. Après avoir refoulé les débris du premier, il se trouvera en présence de forces nouvelles probablement imprévues, ayant sur lui tous les avantages des troupes fraîches.

N’est-il pas à prévoir que, dans ces conditions, l’engagement à fond du 2e corps tout entier, produira encore plus d’effets que celui du premier et que, vraisemblablement, le 3e ou le 4e viendra à bout des dernières résistances ?

Quoi qu’il en soit, ces attaques par vagues constituent un mode de combat très différent de celui qui est ordinairement envisagé.

Une des grandes difficultés que comporte l’emploi des énormes masses actuelles réside dans la difficulté de faire combattre utilement la totalité des forces.

Le procédé allemand repose sur ce principe juste, qu’une attaque, quelle qu’elle soit et quel que soit son but, doit être menée à fond, dès le début. Il faut avoir l’énergie d’en conclure que les réserves doivent servir à renouveler les attaques, et non pas à les appuyer.

On est tenté au premier abord de penser que ce système est très dangereux, par cette raison qu’en procédant ainsi, les Allemands commettent la faute de se diviser pour combattre, et qu’il suffirait alors de profiter du moment où ils seront à un contre deux ou trois, pour accabler leur premier échelon et successivement tous les autres.

Mais raisonner ainsi, c’est méconnaître les véritables conditions du combat moderne.