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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/369

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période qui s’étend de 1830 à 1840, les colons avaient réussi à s’implanter solidement dans tous les territoires dont l’accès ne leur avait point été formellement interdit. Le domaine qui obéissait à nos lois était, en 1840, des plus exigus. Le traité de la Tafna, qui l’avait délimité ne nous avait reconnu que la possession sur le littoral des villes d’Oran, d’Arzew, de Mostaganem, de Mazagran, d’Alger, de Bougie et de Bône et leur banlieue. Dans la province d’Oran, nous n’avions qu’un territoire d’une dizaine de lieues de rayon autour des villes occupées ; dans la province d’Alger, moins encore, nous n’y possédions que le Sahel et la partie de la Mitidja comprise entre la Chiffa, le Khaddra et le Petit Atlas, et, sur certains points, notre autorité n’allait pas au-delà d’un rayon de 25 kilomètres d’Alger : tout notre domaine dans les trois provinces était inférieur comme étendue à un département français, Mais ce territoire si restreint pourtant n’avait pas été livré en entier à l’activité de nos colons. Dans les provinces de Constantine et d’Oran, l’autorité militaire n’ayant pas jugé à propos d’ouvrir le pays à la colonisation, les immigrans européens n’avaient pu guère dépasser l’enceinte des villes occupées. Les colons avaient dû concentrer leurs efforts exclusivement dans la province d’Alger, sur le Sahel et la Mitidja, et là, ils avaient accompli une œuvre réellement merveilleuse. Dans le Sahel, de petits centres, des embryons de villages s’étaient formés spontanément, entre autres à Dély-Ibrahim, Birkadem, Maison-Carrée, Hussein-Dey, Mahelma, Chéraga, et Biar, Staouéli, Douera en était le chef-lieu ; dans la Mitidja, des agglomérations avaient également pris naissance à Boufarik, Soukaly, Memmouch, la Chiffa, Méred, l’Arba, Bou-Idjouza, l’Harrach. La population européenne atteignait en 1840, au moment de l’insurrection d’Abd-el-Kader, le nombre de 33 000 et les ouvriers exclusivement agricoles 2 580 ; chiffres que l’on trouvera certainement élevés si l’on tient compte du territoire si restreint ouvert à la colonisation, du peu d’années écoulées depuis la conquête, de l’état de guerre permanent avec les indigènes et des dispositions du gouvernement peu bienveillantes envers les colons. L’agriculture était réellement florissante dans le Sahel et donnait les plus belles espérances dans la Mitidja. Le problème de la colonisation algérienne, qui est devenu depuis si ardu, paraissait alors résolu. Sans aucune intervention gouvernementale, sans aucun subside de la métropole, des villages se créaient spontanément, se développaient,