Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la milice furent mis sous les ordres des commandans de place : à Alger on leur confia la garde de la ville dont on venait de démolir les portes. D’un autre côté, les colons du dehors furent assujettis à monter la garde tous les cinq jours. Plus tard, les garnisons des petits postes les ayant évacués pour former avec la garnison d’Alger des colonnes expéditionnaires, la garde de ces derniers en fut exclusivement confiée aux colons. D’autres mesures achevèrent de les mettre à la merci de l’administration et complétèrent la ruine de tous. La loi du 18 avril 1841 sur les réquisitions mit leurs transports à la disposition de l’autorité militaire ; l’arrêté du 17 août défendant l’exportation des laines et des céréales les empocha d’écouler à l’extérieur leurs produits ; celui du 18 septembre réservant au gouvernement le monopole de l’achat des bêtes bovines les obligea de céder leur bétail aux prix imposés. Il ne restait plus aux propriétaires que leurs droits de nue propriété ; ils furent même inquiétés dans la possession de ces droits. Un arrêté du 9 décembre sur l’expropriation pour cause d’utilité publique permit de faire main basse, de la manière la plus arbitraire, sur tous les biens des particuliers, réduits à se contenter des indemnités qu’on daignerait leur accorder. Plus tard enfin, sous prétexte que les ventes consenties par les indigènes aux colons ne l’avaient pas été d’une manière régulière, une commission fut nommée pour procédera une liquidation générale des propriétés, et bon nombre de colons furent de ce fait dépossédés. Ce fut le coup de grâce. Les uns, les plus fortunés, quittèrent l’Afrique et rentrèrent en France, racontant dans leur milieu ce qu’ils avaient fait et ce qu’ils avaient vu en Algérie, leurs espoirs du début, les vexations qu’ils avaient subies, et les déceptions finales. Les autres restèrent à Alger où ils vécurent dans la misère et le dénuement ou se livrèrent à d’autres industries. Bien peu s’adonnèrent de nouveau à l’agriculture. Cette génération était trop bien payée pour avoir l’envie de recommencer sur de nouveaux frais.

Ce ne fut qu’au printemps de 1840 qu’on songea sérieusement à chasser les Arabes du pays qu’ils avaient envahi. L’armée d’Afrique avait été portée à 60 000 hommes, puis à 100 000 hommes. Cherchell sur le littoral, puis Médéah et Milianah dans l’intérieur du massif de l’Atlas furent occupés par nos troupes. C’était étendre notre domination assez au-delà des limites de l’occupation restreinte jusqu’alors au Sahel et à une partie de la Mitidja. Mais