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voulait jouer toute seule avec son amie, miss Burney, « Va-t’en, papa ! » criait-elle, et, docile, il s’en allait. J’ai dit qu’elle se consola avec l’art et la poésie. Mais ces dangereux consolateurs ouvrent l’âme à d’autres émotions. Elle s’éprit d’un bel officier, le général Fitzroy, qui fut son mari morganatique. Elle mourut jeune et la disparition de sa fille adorée amena la submersion définitive de cette pauvre raison vacillante qui se débattait depuis trente ans contre la folie. Et voici la vivante caricature qui est devenue tragique. Le vieux roi, vêtu d’une robe de chambre rouge, ses longs cheveux blancs déroulés sur ses épaules, s’approche d’un orgue. Il est aveugle, mais ses vieilles mains tremblantes et maladroites cherchent, en tâtonnant, sur les touches un motif de Hamdel. « Quand j’étais roi, dit-il, quand je vivais, c’était mon air favori. » Cet air éveille en lui des pensées graves et religieuses. Il tombe à genoux et la reine le trouve priant tout haut pour lui-même, pour ses enfans, pour son peuple.


II

Sortez de cet intérieur austère, qui semble une oasis morale au milieu de la corruption, et toutes les passions font rage. On est saisi de ce contraste comme au sortir d’un lieu abrité, lorsqu’on est assailli par la sauvage brutalité des vents du dehors, ou encore, comme on s’étonne de trouver une foire hurlante, aux portes même d’un temple silencieux. Les scandales commencent dans la famille même du roi où le caricaturiste trouve à symboliser tous les péchés capitaux. C’est une sœur de George III, cette reine de Danemark, dont la mémorable aventure avec Struensee défraye encore l’imagination des dramaturges. Le démon de l’adultère poursuit les femmes de cette maison de Brunswick. Sans remonter jusqu’à Sophie Dorothée qui paya une heure d’amour par trente-six ans de pénitence et de captivité, je compte, de 1765 à 1790, quatre princesses de Brunswick dont la vie est un malsain et douloureux roman. Pour l’une d’elles — c’est la propre nièce de George III — Je dénouement reste une énigme effrayante. Infiniment plus vulgaire, la destinée des frères et des fils de George III n’est pas plus édifiante. Le duc d’York, à la recherche des plaisirs cosmopolites, meurt à Monaco avant trente ans. Gloucester épouse de la main gauche lady Waldegrave et la trompe indignement. Cumberland, après une foule