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POÉSIES



MARSYAS


Tant pis ! J’ai défié le Dieu. Je suis vaincu !
Salut, terre où longtemps Marsyas a vécu,
Et vous, bois paternels, et vous, ô jeunes eaux,
Près de qui je cueillais la tige du roseau
Où mon haleine tremble, pleure, s’enfle ou court,
Forte ou paisible, aiguë ou rauque, tour à tour,
Telle un sanglot de source ou le bruit du feuillage !
Vous ne reverrez plus se pencher mon visage
Sur votre onde limpide ou se lever mes yeux
Vers la cime au ciel pur de l’arbre harmonieux :
Car le Dieu redoutable a vaincu le Satyre.
Ma peau velue et douce, au fer qui la déchire,
Va saigner ; Marsyas mourra, mais c’est en vain
Que l’Envieux céleste et le Rival divin
Essaiera sur ma flûte inutile à ses doigts
De retrouver mon souffle et d’apprendre ma voix ;
Et maintenant liez mon corps et, nu, qu’il sorte
De sa peau écorchée et vide, car, qu’importe
Que Marsyas soit mort, puisqu’il sera vivant
Si le pin rouge et vert chante encor dans le vent !