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L’AUTOMNE


Si l’automne fut douce au soir de ta beauté,
Rends-en grâces aux Dieux qui veulent qu’à l’été
Succède la saison qui lui ressemble encore,
Ainsi que le couchant imite une autre aurore
Et comme elle s’empourpre et comme elle répand
Au ciel mystérieux des roses et du sang !
Ce sont les Dieux, vois-tu, qui font les feuilles mortes
D’un or flexible et tiède au vent qui les emporte,
Et dont l’ordre divin veut que les verts roseaux
Deviennent tour à tour, uniques ou jumeaux,
Et selon que décroît leur taille à la rangée,
L’inégale syrinx ou la flûte allongée.
Ce sont eux qui, des fleurs de ton été, couronnent
Ta jeunesse mûrie à peine par l’automne
Et qui veulent encor que le parfum enfui
De la fleur se retrouve encore au goût du fruit
Et que, devant la mer qui baisse et se retire,
Une femme soit belle et puisse encor sourire.


LA LUNE JAUNE


Ce long jour a fini par une lune jaune
Qui monte mollement entre les peupliers,
Tandis que se répand parmi l’air qu’elle embaume
L’odeur de l’eau qui dort entre les joncs mouillés.

Savions-nous, quand, tous deux, sous le soleil torride
Foulions la terre rouge et le chaume blessant,
Savions-nous, quand nos pieds sur les sables arides
Laissaient leurs pas empreints comme des pas de sang.


Savions-nous, quand l’amour brûlait sa haute flamme
En nos cœurs déchirés d’un tourment sans espoir,
Savions-nous, quand mourait le feu dont nous brûlâmes
Que sa cendre serait si douce à notre soir,