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REVUES ÉTRANGÈRES

LE SCHISME DU CHANOINE DŒLLINGER


Ignaz von Dœllinger, Sein Leben auf Grund seines schriftlichen Nachlasses dargestellt, par J. Friedrich, 3 vol. in-8o, Librairie Beck, Munich, 1901.


Je me souviens d’avoir rencontré autrefois, dans une rue de Munich, un petit vieillard tout usé, tout courbé, qu’on m’a dit être l’ex-chanoine Dœllinger. Une admirable vigueur d’intelligence se lisait encore dans ses yeux, sous les rides du visage ; mais on y lisait aussi une certaine expression d’inquiétude, de méfiance, presque de frayeur, la même expression, très particulière et très saisissante, que nous fait voir au Musée de Versailles le portrait de l’ex-abbé de Lamennais par Ary Scheffer. Assuré d’une existence aisée et indépendante, comblé d’honneurs, heureusement parvenu au bel âge de quatre-vingt-dix ans, Dœllinger s’obstinait-il à redouter quelque machination des « Jésuites », nom sous lequel il s’était accoutumé, depuis trente ans, à désigner toute personne qui ne partageait pas son avis ? Ou bien était-ce l’avenir qu’il craignait ? Avait-il conscience du fatal destin qui, de même qu’à Lamennais, empêcherait toujours la postérité de lui rendre justice ? Prévoyait-il que, de même que Lamennais, jamais il ne pourrait trouver un critique pour bien apprécier l’ensemble de son œuvre, ni un biographe pour remettre en lumière l’ensemble de sa vie ?

Mais peut-être ne sait-on déjà plus qui était Dœllinger. C’était, aux environs de 1860, un chanoine de la chapelle royale de Saint-Gaëtan, à Munich, qui passait pour le plus savant théologien catholique de l’Allemagne, et de l’Europe entière. Sa théologie, en vérité, consistait