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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/479

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L’idée, en effet, est ancienne et dès 1895, si nous ne nous trompons, une commission du conseil supérieur avait déjà étudié les moyens de l’appliquer. Elle était présidée par M. Léon Say. Le plus simple sans doute, et aussi le plus sage, aurait été de se reporter à ses travaux, de s’inspirer de leur esprit et d’en adopter les conclusions. Nous ne disons pas qu’il aurait fallu les adopter telles quelles. La commission ne prétendait pas avoir fait une œuvre intangible, ni même une œuvre complète ; mais elle avait très heureusement discerné et fixé les principes qui devaient servir de règle en cette matière. Il en est peu de plus intéressantes. Créer une institution qui, en rapprochant les ouvriers des patrons dans des conditions propres à inspirer confiance aux uns et aux autres, leur permettrait de rester toujours ou de se mettre rapidement en contact et de discuter entre eux leurs affaires communes, était une entreprise digne d’être encouragée. L’instrument, une fois en exercice, pouvait aider à dissiper beaucoup de malentendus et à supprimer un certain nombre de conflits. Mais il était délicat à organiser. Il fallait prendre garde de ne pas toucher à d’autres institutions qui fonctionnaient déjà à la satisfaction générale, comme les conseils des prud’hommes par exemple, et de ne pas en affaiblir l’action. Il fallait ne pas faire double emploi avec des lois existantes, comme la loi sur l’arbitrage. Il fallait enfin respecter l’œuvre antérieure du législateur, et lui en soumettre une nouvelle qui viendrait s’y ajouter et s’y adapter, sans s’y substituer et surtout sans la dénaturer. Nous disons que l’œuvre nouvelle devait être soumise au législateur. Il paraît en effet, singulièrement téméraire de procéder par simples décrets dans une affaire qui touche à tant d’intérêts, et qui se rattache à quelques-uns des problèmes les plus difficiles que nous ayons actuellement à résoudre. Enfin, et surtout, puisqu’il s’agissait d’une représentation à assurer, — ouvriers d’un côté et patrons de l’autre, — il fallait établir un système d’élections qui en garantît la sincérité, de manière à ce qu’elle fût complète et ne laissât de côté aucun des élémens à concilier. Telles étaient les conditions du problème : M. Millerand n’en a rempli aucune. Aussi ses conseils du travail ont-ils provoqué dès le premier jour des réserves et des protestations qui sont venues à peu près de tous les points de l’horizon.

D’abord, il a procédé par décret. Le décret est l’instrument naturel des socialistes. Il est simple, facile, expéditif : on comprend la préférence qu’il inspire à des hommes dont la prétention est d’avoir un idéal infiniment supérieur aux organisations contingentes dont l’histoire nous offre le modèle. Quand on est sûr de soi, à quoi bon