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son œuvre, elle affecta de prendre l’initiative d’un mouvement d’éducation civique et militaire, qui fit grand bruit.

Haranguant un jour les Touristes lyonnais, qui se proposaient de « développer parmi la jeunesse lyonnaise le goût et l’attrait des institutions militaires, » Macé ne pouvait se défendre de remarquer que « vingt ans plus tôt on n’eût pas accueilli partout avec la même faveur cette ligne de leurs statuts. » Il avait bonne mémoire ; et s’il avait eu souci de mettre ; sa conscience en accord avec ses souvenirs, il eût compris que ses propres antécédens, ses incorrigibles coquetteries à l’endroit de l’Allemagne, l’élastique largeur de son cœur d’humanitaire, le qualifiaient assez mal pour prendre à sa charge l’éducation civique et militaire de l’enfance française. La France ne connaissait qu’une moitié de Macé, — celle à laquelle Macé tenait le moins ; les loges connaissaient l’autre ; le secret maçonnique cachait au public cette contradiction ; et les progrès de l’âge la cachaient peut-être à Macé lui-même. Parlait-il, par exemple, aux instituteurs de Nantes, il leur tenait des propos quasi belliqueux ; il avait, pour de pareilles occurrences, des accens de « chauvin, » entrecoupés de pleurs ; et ces pleurs survenaient à propos pour lui permettre de laisser en suspens des pensées avec lesquelles il était encore peu familier. Mais prêchait-il à Reims dans un sanctuaire maçonnique, on avait l’illusion qu’il n’avait point vieilli, et la certitude que depuis vingt ans il n’avait rien appris : il démontrait que le vrai moyen de se venger de l’Allemagne et de réunir les frères exilés, c’était de donner à l’Allemagne la République ; il ne parlait plus de revanche, mais de propagande démocratique internationale ; et nulles larmes opportunes, alors, n’alourdissaient l’essor de son rêve : il était trop convaincu pour avoir besoin de paraître ému. La Ligue genevoise de la Paix et de la Liberté, dont les membres avaient sans doute accès dans le for intime de Macé, ne s’inquiéta jamais du rôle d’instructeur militaire qu’affectait ce néophyte du patriotisme, et lui garda toujours sa confiance. Son coadjuteur à la Ligue de l’Enseignement était un maçon franc-comtois, Emmanuel Vauchez, qui de sa main gauche glissait une obole dans les listes de souscription des États-Unis d’Europe, organe international de la Ligue genevoise, et qui de sa main droite écrivait un Manuel d’instruction nationale, honoré des souscriptions du ministère français. Son auxiliaire pour la propagande, ancien pasteur, appointé par la