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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/549

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pour M. Lemmi, il n’y avait plus d’Alpes, comme pour les maçons allemands de la fin de l’Empire il n’y avait plus de Rhin. M. Lemmi avait parlé trop haut ; les profanes de France s’alarmèrent ; et la rue Cadet crut nécessaire d’envoyer à Rome un monitoire. Le Grand-Orient italien en excusa l’indiscrétion en prenant acte de la proposition que lui tirent bientôt les Frères français, d’inaugurer un mutuel échange de vues contre le jésuitisme ; l’histoire ne dit pas quelles conclusions en résultèrent. Mais ce que les textes prouvent, c’est que la maçonnerie française trouva toujours à Rome un conseil et un concours pour les deux campagnes qui lui tiennent le plus à cœur, et qui menacent, d’une part, le maintien de notre ambassade près le Saint-Siège, d’autre part l’intégrité de notre armée. La Rivista della Massoneria italiana a toujours encouragé ces deux labeurs maçonniques, dont le premier mettrait à mal la France du Levant, et dont le second a mis à mal la France elle-même[1].

Lorsqu’on saura que cette même revue, en 1879, applaudissait à la formation de la Triple Alliance, et qu’en 1897 une loge de Turin fêtait avec dévotion le centenaire de la naissance de Guillaume Ier, on trouvera naturels les efforts associés de la maçonnerie italienne et de la maçonnerie niçoise pour réchauffer l’intimité entre les Frères français et les Frères allemands : dès maintenant, un succès partiel les a récompensés. Un dialogue assez étrange s’engagea, il y a dix ans environ, entre un instituteur de Leipzig, membre d’honneur de la loge parisienne la Justice, et les publicistes officieux du Grand-Orient : ceux-ci alléguaient la délicatesse de la question d’Alsace-Lorraine pour repousser un certain projet de baiser Lamourette, conçu par l’imagination de M. Lemmi ; le « Frère » saxon ripostait en rappelant la mission unificatrice de la maçonnerie. L’année 1900 survint ; un congrès maçonnique international fut convoqué à Paris ; les « Frères » allemands, qu’on avait pris coutume de coudoyer, en 1894 et 1896, aux conférences d’Anvers et de La Haye, y furent conviés ; et peu après, au congrès de Bône, le représentant du Grand-Orient motivait cette invitation en

  1. A l’heure présente, le Grand-Orient de France, ayant noué des relations avec la « Fédération maçonnique italienne, » maçonnerie de nuance républicaine dont le siège est à Milan, a perdu l’amitié du Grand-Orient de Rome ; c’est par l’intermédiaire de la Grande Loge, demeurée, elle, amie de ce Grand-Orient, qu’une partie de la maçonnerie française continue de prendre son mot d’ordre à Rome.