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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/556

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pas, mais un ensemble d’idées. La France, c’est l’ensemble des notions que tous les penseurs républicains ont élaborées et qui composent les traditions de notre parti. On est Français autant qu’on les possède dans l’âme. »

Nous voulons gouverner la France ; qu’est-ce que la France ? disait à M. Steenackers, en 1870, un jeune attaché qui s’en allait joindre le gouvernement de Tours ; et l’attaché continuait : « Qui sait si finalement la victoire de l’Allemagne sur la France ne tournera pas au profit de la civilisation et, par ricochet, au profit de la France ? Nous aurons perdu quelque chose de notre prestige guerrier, nous perdrons quelques milliards. Et après ? Nous aurons été débarrassés du césarisme, puis la Révolution française reprendra son cours… Est-ce que je me soucie, moi, de la France expression géographique ? Ce qui m’intéresse, ce qui me remue, c’est la France facteur puissant de la civilisation, tête de colonne de l’humanité. »

Nous allons défendre la France ; qu’est-ce que la France ? Ainsi réfléchissait, en présence du même M. Steenackers, un ancien officier qui rentrait d’exil au lendemain du Quatre Septembre : « L’empire tombé, disait-il, nous avons une patrie ; nous n’en avions plus auparavant. Les nations civilisées n’ont une patrie que par la liberté… Bonaparte tombé, la France reparaît. »

Nous nous sommes unis à la France ; qu’est-ce que la France ? Non sans impertinence, certains politiciens de la Savoie discutaient ce problème en cette année 1872 où Gambetta, en une promenade triomphale, prit acte, au nom de la République, du don que la Savoie avait fait d’elle-même à l’empire français.

Il entendait M. Dubouloz, conseiller général du canton de Thonon, lui déclarer que tous les Savoyards étaient dévoués à la France, mais à la France républicaine, et que, « si le malheur des temps voulait que la France retombât sous quelque monarchie cléricale ou militaire, il ne serait pas impossible que la Savoie tournât ses yeux vers la Suisse et fît choix pour sa patrie du pays où règne la liberté. » Il entendait M. François Dumont, de Bonneville, risquer cette déclaration significative : « Nous ne sommes plus tout à fait comme nos pères qui aimaient la France avant la République ; nous aimons la République avant la France. » Il entendait M. Duboin, substitut, proclamer que la Savoie, « qui a eu sous les yeux l’exemple de la Suisse, » est