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reconstitué sur les mêmes bases. Il en est tout autre nient aux Etats-Unis, où l’arrivée aux affaires d’un nouveau Président, quel que soit le parti auquel il appartient, correspond inévitablement à la création d’un ministère composé d’élémens distincts du précédent.

Un Président républicain succédant à un autre Président républicain ne conservera pas plus le cabinet de son prédécesseur qu’il n’eût gardé celui d’un Président démocratique. Un vice-président, fortuitement investi du pouvoir, demeure libre de tout engagement vis-à-vis des ministres nommés par le Président défunt et jouit d’une entière latitude pour le choix de ses collaborateurs. Lorsqu’en 1881 le vice-président Arthur fut appelé subitement aux affaires après le meurtre de Garfield, un seul membre de l’ancien cabinet lut maintenu en fonctions. Encore dut-il cette faveur au nom qu’il portait : il s’agissait du fils de Lincoln.

A l’heure où nous écrivons, on ignore encore si le président Roosevelt suivra à cet égard l’ancienne tradition. En annonçant à l’avance d’importans changemens ministériels, les journaux américains ont donné quelque crédit à cette supposition. Vrais ou faux, leurs pronostics indiquent tout au moins que l’opinion publique reconnaît sur ce point au nouveau Président toute liberté d’action.

Associés, à titre en quelque sorte personnel et non en vertu d’un mandat parlementaire[1], à l’administration présidentielle, les ministres américains ne sont soumis au contrôle du Congrès qu’en ce qui concerne leur nomination. Celle-ci une fois sanctionnée par le Sénat, ils ne sont plus responsables qu’envers le Président, sauf le cas purement hypothétique de haute trahison. Quels que soient les votes des Chambres, quelques modifications qu’elles puissent subir, ils conservent leurs portefeuilles aussi longtemps que le Président, dont ils tiennent leur existence officielle, reste lui-même en exercice.

Il serait excessif de dire que la politique ne joue qu’un rôle secondaire dans leur désignation, leur fortune ministérielle étant souvent en effet la récompense de services rendus pendant la campagne électorale. Un certain nombre d’entre eux néanmoins,

  1. Le Président peut choisir pour collaborateurs des membres du Congrès à la condition qu’ils démissionnent, mais la plupart d’entre eux sont d’ordinaire pris en dehors des Chambres.