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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/811

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et ses aptitudes l’avaient, à l’Ecole Normale, porté vers la philosophie. Il fut détourné, au moins professionnellement, de cette voie par un dissentiment avec Cousin, qui gouvernait alors la philosophie officielle et qui ne lui pardonna pas d’avoir voulu se soustraire, en une occasion pourtant de peu d’importance, à son impérieuse domination. Hatzfeld devint professeur de rhétorique. Il le fut longtemps à Louis-le-Grand, où ses leçons ont laissé un durable souvenir à tous ceux qui l’ont eu pour maître. Bien qu’il eût toutes les qualités et qu’il eût acquis toute l’instruction spéciale que comporte la fonction qu’il exerçait, son enseignement se ressentait de sa vocation première : apprendre à écrire et à composer, c’était surtout, pour lui, apprendre à contrôler sévèrement ses idées et à les disposer en bon ordre. Taine, qui fut son élève, lui écrivit, quand il eut obtenu au grand concours (13 avril 1847) le prix d’honneur de philosophie, ainsi que tous les premiers prix du lycée, une lettre qu’Hatzfeld avait soigneusement conservée et dont je détache ce passage :


Tous ces heureux succès, je vous les dois et je vous en remercie. Sans vous, je n’aurais jamais eu ni ordre, ni clarté, ni méthode. On me disait au collège : « Soyez clair, régulier, méthodique ; » vous seul, vous ne vous en êtes point tenu aux paroles ; vous m’avez donné les moyens. Si je réussis plus tard, ce sera grâce à vos leçons ; car vous m’avez appris à travailler, et à conduire mon esprit, et vous me serez utile dans l’avenir autant que dans le présent.


L’impression de cette discipline était restée profonde dans l’esprit de Taine ; je lui ai plus d’une fois entendu dire qu’Ad. Hatzfeld était un des plus remarquables logiciens qu’il eût connus.

C’est la précision naturelle et la tendance logique de son esprit, combinées avec son goût de lettré classique, qui lui firent concevoir l’idée, je dirais volontiers qui lui tirent sentir le besoin d’un nouveau dictionnaire français. D’une part, lisant assidûment, comme il était naturel à un professeur de rhétorique, le Dictionnaire de l’Académie, il avait été frappé du manque trop fréquent de précision, et même d’exactitude, qu’on y peut remarquer dans les définitions, et surtout choqué de ce qu’il y a de superficiel et de fortuit dans l’ordre où y sont rangés les divers sens, souvent si éloignés l’un de l’autre, que présentent les mots. Il se plaisait à refaire les définitions, et n’était content que quand il en avait trouvé de parfaitement exactes. Surtout il s’étudiait à ranger les sens dans un ordre logique : partant de