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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/843

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Bouddha seulement cette forme admirable du Karma, qui attache à toute action bonne ou mauvaise sa récompense ou son châtiment dans cette vie ou dans une autre, en sorte que le malheur du juste, qui ne semble pas mérité au spectateur ignorant, le fut pourtant par lui dans quelque existence antérieure aux yeux de celui qui sait, et n’est autre chose que l’achèvement d’une expiation nécessaire au triomphe de la justice immanente. « Et, quoi que l’homme puisse accomplir, action maudite, œuvre noble, il demeure partout l’héritier, l’héritier de sa propre conduite, » chantent les moines bouddhistes dont les hymnes ascétiques nous ont été récemment traduits par Neumann[1]. Frein puissant et efficace aux passions violentes d’une époque brutale. Cependant, par Pythagore, la métempsycose a passé dans la philosophie grecque, où elle a trouvé la fortune que vous savez. Peut-être ce penseur avait-il voyagé dans l’Inde, mais peut-être aussi travailla-t-il simplement sur le même fonds d’antiques croyances aryennes, avec des dispositions d’esprit analogues à celles de ses lointains parens du Gange, ainsi que l’a soutenu récemment M. Laudowicz[2].

— Oui, approuvai-je alors, en cette question comme en tant d’autres du même ordre, telle que l’origine de l’alphabet par exemple, la science contemporaine tend de plus en plus à remplacer d’hypothétiques emprunts à des nations lointaines par la parenté de race, et par la tradition semblablement élaborée d’ancêtres communs.

— Faut-il voir aussi, comme vous le dites, quelque vague écho du passé de la race aryenne dans la Renaissance de la métempsycose en Europe depuis le milieu du siècle dernier ? Vous la rencontrerez chez Lichtenberg, chez Hume, dans l’Education du genre humain de Lessing, dans la Palingénésie du naturaliste genevois Bonnet. Le beau-frère de Goethe, Schlosser, nous a laissé un dialogue sur ce sujet. Et Gœthe lui-même écrit à Wieland eu le prenant pour confident de ses amours (1776) : « Je ne puis m’expliquer autrement que par la métempsycose l’influence, le pouvoir que cette femme exerce sur moi. Sans doute nous avons été autrefois mari et femme, et nous en avons maintenant le souvenir voilé d’une brume d’apparition. Je ne

  1. Les chants des moines et des nonnes de Gotama Bouddha, Berlin, 1899.
  2. Essence et origine de la métempsycose dans la philosophie grecque, Leipzig, 1889.