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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/890

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époque l’administration, qui voyait la métamorphose accomplie dans les villages à la suite de l’arrivée des colons libres, cherchait à s’en faire un titre de gloire, alors cependant que cette métamorphose était la condamnation même du système suivi jusqu’alors. Personne d’ailleurs ne se méprenait en Algérie sur le bien-fondé des éloges que l’administration bénévolement s’attribuait. On avait trop sous les yeux le spectacle de la misère générale des colons implantés par l’administration ; et si un certain nombre de villages officiels se relevait, on en reportait tout l’honneur à ceux qui, sans attaches officielles, sans avoir aucune part et sans en demander aucune aux crédits de la colonisation, par leur énergie tenace et leur intelligence avisée, étaient bien les réels auteurs de ce relèvement. Et, depuis 1860, ce qu’on a vu dans les nouveaux centres créés pendant la dernière phase de la colonisation officielle, de 1871 à nos jours, n’est pas de nature à pouvoir modifier ce jugement. Les choses ne se sont pas passées autrement pendant cette période, et partout la disparition à peu près totale des colons officiels, quelques années après leur installation, a amené leur remplacement par d’autres cultivateurs et d’autres immigrans.


IV. — ENTRAVES APPORTÉES PAR LA COLONISATION OFFICIELLE AU PEUPLEMENT FRANÇAIS DE L’ALGÉRIE

Telle est l’histoire de la colonisation de l’Algérie. Elle nous montre que, dès l’origine de la conquête jusqu’à nos jours, deux procédés de colonisation ont agi concurremment pour amener la population française à émigrer en ce pays : l’un, caractérisé par la concession gratuite des terres, la création artificielle des villages et par l’insouciance du choix des colons, l’autre par l’achat des terres, la création spontanée des villages et la sélection naturelle des immigrans. Et dès maintenant, par la constatation des résultats auxquels l’un et l’autre procédés ont abouti, cette histoire nous permet de répondre à la question si souvent agitée dans la presse algérienne et métropolitaine, à savoir ; quel a été le résultat de l’intervention directe de l’Etat dans la mise en valeur et le peuplement de l’Algérie ? Longtemps on a cru que c’est à cette intervention que l’on devait l’installation des colons ruraux dont les statistiques relèvent la présence en ce pays. La métropole a consenti d’énormes dépenses