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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/909

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de 23 202 000 francs, et 39 178 hectares aux israélites ; en revanche, ils n’ont vendu aux indigènes que 96 654 hectares, d’où un excédent d’achat pour eux de 145 350 hectares, soit plus de 14 500 hectares par an. Ces transactions pourront devenir encore plus actives, le jour où toute crainte de confiscation et d’expropriation aura disparu chez l’Arabe. Sûr désormais de ne pas être dépouillé, rassuré sur l’avenir, l’indigène se prêtera plus facilement à la vente de ses terres. Cette mutation de propriété s’effectuera d’ailleurs sans froissement et sans heurt, parce qu’elle ne sera pas amenée brusquement par la violence, mais lentement, insensiblement, par le libre jeu de la loi économique de l’offre et de la demande.

La colonisation devra se faire en outre par la substitution de la culture intensive à la culture extensive qui a dominé jusqu’à ce jour. Les 1 400 000 hectares qui font vivre aujourd’hui 210 000 colons peuvent en faire vivre un nombre triple par le perfectionnement de la culture. La plupart des exploitations isolées ont de 40 à 75 hectares ; les grands domaines de 300 à 500 hectares ne sont pas rares ; les concessions sont calculées elles-mêmes sur le pied de 40 à 45 hectares : toutes ces étendues correspondent à la culture primitive et extensive, à la première période qui suit le défrichement. Mais, au bout de quelque temps, une douzaine d’hectares, puis une demi-douzaine et parfois moins, doivent, dans les districts les plus favorisés du moins, suffire à occuper d’une manière profitable une famille tout entière. Les progrès doivent consister dans l’amélioration des méthodes, dans l’introduction des cultures nouvelles, dans les perfectionnemens apportés à l’outillage, qui permettront de diminuer dans des proportions énormes, et sans que le sort des colons empire, l’étendue des terres nécessaires à la subsistance des familles.

En même temps que cette extension et que ce morcellement du domaine de la colonisation se poursuivra, pareille transformation de la propriété indigène devra s’accomplir. Cette transformation est d’impérieuse nécessité. En ce moment, l’Algérie entre, au point de vue de la question du peuplement indigène, dans une phase critique : elle passe d’une population moins dense à une population plus dense, et les terres cultivées restent d’une étendue limitée, restreinte, insuffisante à faire vivre même la population actuelle. Il est indispensable qu’avec cet