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pas à se convaincre qu’il en soit le père. Cela le rend horriblement nerveux et fait qu’en même temps, il rudoie la pauvre enfant qui n’en peut mais et ne comprend rien aux étrangetés du cœur paternel. A la fin, Desroches est pleinement rassuré. Un mot, un geste, un accent de la jeune fille lui ont suffi… Aujourd’hui tout cela nous parait, je ne dis pas faux, ni même conventionnel, mais trop concerté et trop prévu. Le plaisir de la surprise nous est refusé autant qu’il est possible. Et il nous semble que l’action se déroule avec une lenteur excessivement sage. — Est-il besoin de rappeler que les romans de M. Theuriet doivent une grande partie de leur charme à la peinture du milieu provincial et champêtre et qu’ils nous arrivent à la scène dépouillés du meilleur d’eux-mêmes par une espèce de trahison ?

Le rôle du père Maugars est dessiné avec une remarquable vigueur par M. Janvier. Ceux de Desroches et du fils Maugars sont honnêtement tenus par M. Dorival et M. Vargas. Le reste de l’interprétation est d’une faiblesse déplorable.


L’Ecolière de M. Jean Jullien nous reporte à une conception du théâtre qui date d’une dizaine d’années ; aussi nous paraît-elle beaucoup plus surannée encore que les Maugars. M. Jean Jullien a mis dix ans, paraît-il, pour trouver un directeur qui voulût bien jouer sa pièce ; c’est pour lui plus fâcheux qu’on ne saurait dire ; nul doute que, représentée jadis au Théâtre-Libre, elle n’eût passé pour audacieuse. En ce temps-là, un sombre pessimisme sévissait dans la littérature dramatique ; une pièce était faite d’une série de tableaux où l’on voyait le personnage principal s’enfoncer progressivement dans le malheur ; d’austères moralistes avaient pris à tâche de faire rougir les hommes devant le spectacle de leur lubricité. La comédie de M. Jean Jullien appartient à ce cycle de pièces plus morales que dramatiques, plus brutales que morales, plus solennelles que brutales, et ennuyeuses plus que tout ce que dessus. L’Ecolière pourrait avoir comme sous-titre : ou les Malheurs d’une institutrice. Noëmie Lambert est directrice d’école dans un trou de province. Elle est instruite, intelligente, courageuse, honnête profondément. Mais elle est jolie. Elle est jolie, c’est ce qui va la perdre, et telle sera l’origine de toutes ses infortunes. Car il faudrait ne rien savoir de l’incontinence de notre sexe pour ne pas deviner ce qui va arriver. A peine Noëmie a-t-elle paru, tout ce qu’il y a d’hommes dans la commune est en état d’éréthisme. C’est le maire Mazurier, c’est le pharmacien Daugrand, c’est l’entrepreneur de maçonnerie Oudoire. Impossible de venir présider une distribution de