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On sait la différence fondamentale qu’il y a entre le clergé séculier et le clergé régulier. Le premier, nommé par le gouvernement, dépend de lui dans une assez large mesure ; mais c’est aussi le seul qu’il reconnaisse. Cette situation a été consacrée au commencement du siècle par le Concordat passé entre le Premier Consul et le pape Pie VII. La restauration religieuse de cette époque n’a eu en vue que le clergé séculier. Celui qu’on appelle régulier, et qui se compose des congrégations religieuses, est indépendant du gouvernement et relève le plus souvent du Souverain Pontife. C’est une milice régulière aux yeux de ce dernier, mais que le gouvernement a toujours considérée comme irrégulière, et qu’il a tantôt tolérée, tantôt persécutée et dissoute, sans autre règle que ce qui lui a paru être l’opportunité du moment. L’article 11 des Articles organiques du Concordat est ainsi conçu : « Les archevêques et évêques pourront, avec l’autorisation du gouvernement, établir dans leurs diocèses des chapitres cathédraux et des séminaires. Tous autres établissemens ecclésiastiques sont supprimés. » Il y a sans doute une différence pour Rome entre le Concordat et ses Articles organiques, puisqu’elle n’a pas été appelée à discuter et à approuver ces derniers, et qu’elle a protesté contre plusieurs ; mais, pour le gouvernement français, Concordat et Articles organiques, ayant été votés et promulgués en même temps comme loi de l’État, forment un tout indissoluble. On peut donc soutenir qu’en droit strict, les Articles organiques ont supprimé toutes les congrégations religieuses ; toutefois, dans la pratique, aucun gouvernement ne Ta jamais compris de la sorte. Tous ont laissé certaines congrégations religieuses se former, et le gouvernement actuel, dans la loi même du 1er juillet dernier, reste fidèle à cette tolérance : bien plus, il la réglemente et la sanctionne, puisqu’il maintient les congrégations qui ont été reconnues jusqu’à ce jour, et qu’il ouvre la porte à la reconnaissance des autres. Il y a là, évidemment, matière à conflits. Les gouvernemens sages les ont le plus souvent évités. Tout en maintenant le principe de leurs droits, ils ont évité de les pousser à leurs dernières conséquences, et de s’aventurer eux-mêmes jusqu’à ces limites obscures où ces droits pourraient se heurter à ceux des consciences, au grand détriment des uns et des autres. C’est là une question de conduite politique. Pour en revenir au clergé régulier, il a vécu en quelque sorte en marge de la loi et des traités, un peu à ses risques et périls, avec une fortune qui a été historiquement très variable, mais dans une indépendance relative qui le consolait de ce que sa situation avait d’aléatoire et d’instable. Or, le règlement