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après tant d’années d’oubli, — un demi-siècle, presque, — du transport des troupes en temps de guerre et du débarquement sur une côte défendue. Mais quoi ! Il y a commencement à tout et les gens qui sondent des yeux l’avenir s’aviseront que des deux « grandes manœuvres » de Champagne et de Saintonge, la première si considérable, — 170 000 hommes, dit-on ! — si somptueuse, si éclatante, la seconde si modeste et si effacée, c’est celle-ci dont les résultats nous importent le plus.

Qui en est bien convaincu, par exemple, c’est notre officier en second : « Tout arrive en France, me dit-il, et il ne s’agit que d’attendre ; il y a quelques années, je faisais remarquer au général B…, inspecteur d’armée, combien il serait utile de faire des manœuvres combinées entre l’armée et la flotte, comme les Allemands, les Italiens, les Russes. Il en convenait pleinement. Je lui faisais observer d’ailleurs que je l’avais demandé en 1884 dans un travail qui fut publié… En 1884 ? me répondit le général B… ; ne vous inquiétez pas. Chez nous, il faut quinze ans au moins pour qu’une idée aboutisse, si simple qu’elle soit. »

De fait le général ne se trompait que de deux ans. Mais encore a-t-il fallu que l’orientation de la politique française subît une modification très marquée.


25 août. — Les paquebots arrivent, Atlantique et Médoc. Ce sont de grands bâtimens, de 2 000 à 3 000 tonnes de charge, et comme ils vont s’amarrer tout droit aux quais du port de commerce, les Brestois sont ravis. C’est que Brest veut, depuis quarante ans, être un port transatlantique. Quarante années d’efforts infructueux !… Et voyez ce que c’est que la chance ; Cherbourg, sans se donner aucune peine, sans rien faire pour cela, par la seule vertu de sa belle position géographique, Cherbourg l’est devenu. Mais, disent les Brestois, notre position ne le cède à aucune autre ; nous sommes même la tête de ligne idéale, la pointe avancée de l’Europe vers l’Amérique, tandis que Cherbourg n’est qu’une escale. Et quel port plus sûr que le nôtre, quelle entrée mieux éclairée, mieux jalonnée que l’Iroise ! Il ne nous manque qu’un port de commerce un peu plus grand, un peu plus profond et des trains rapides.

Il ne manque que cela en effet, mais il est à craindre que cela manque longtemps… à moins que les Allemands ne s’en mêlent, ou encore les Américains.