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— Et l’Impératrice ?…

— Nous ne l’avons pas vue ; mais nous avons aperçu la porte du salon du roufle où elle était peut-être. Je suppose qu’elle était souffrante, et il y avait encore de quoi.

— Et la suite de la revue ?

— Oh ! pour la suite, l’intérêt fut médiocre, le Cassini se hâtant, les torpilleurs courant à perte d’haleine pour rattraper leurs postes et encadrer le Standart, — ils le rattrapent en effet au tournant, d’autant que le grand yacht, pour ne pas aller donner de la tête contre le Hills bank, est obligé de ralentir un moment, de stopper même, je crois. Et puis viennent une demi-douzaine de petits vapeurs, d’aspect assez piteux, quelques-uns ridicules, au point qu’on avait envie de « faire rompre » tout de suite. Nous avions déjà vu ça l’an dernier à Cherbourg ; cette année-ci, c’est pis encore. Voyons, puisque décidément nous entrons dans l’ère des grandes cérémonies navales, ne serait-il pas expédient de construire des yachts officiels ? Il en faudrait un pour le Président de la République, et sur ce point tout le monde est d’accord, un pour le Sénat, un pour la Chambre des députés, — ou un seul pour les deux assemblées, s’il était assez grand, — un enfin pour le « quatrième pouvoir, » la Presse… et alors nous n’aurions plus l’affliction de voir passer, fier comme Artaban, au milieu de quinze beaux cuirassés, l’affreux petit patouillard blanc qui étalait en grosses lettres, sur son liane, le nom d’un journal parisien.

11 h. 25. La revue est finie. Le Standart mouille de nouveau, ne pouvant entrer dans le port avant 1 heure ou 1 h. 30. Le Cassini mouille aussi. Que va-t-il y avoir encore ? Peut-on esquisser un vague déjeuner ?… Essayons toujours : voilà tantôt six heures que nous sommes debout. Bast ! à peine en étions-nous aux anchois et au beurre en coquilles qu’il faut courir sur le pont, grimper encore sur la passerelle. C’est le Président qui revient à bord du Cassini, et celui-ci qui appareille pour rentrer dans le port : cris, musique, batterie « aux champs », coups de canon (nous en sommes à 143).

Il est midi et quart, et, cette fois, on peut espérer une demi-heure de tranquillité. Au reste, l’amiral vient de signaler de faire dîner les équipages, — par bordée, il est vrai, — de manière à garder toujours de quoi garnir passerelles et boulevards. Al heure, en effet, le Standart appareille à son tour : nouveaux