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jusqu’à la Révolution. Commenté par les personnages dont il nous parle, le volume qu’on y viendra lire prendra vie dans leurs yeux, voix sur leurs lèvres.

Le travail de reconstitution avance dans les salles du rez-de-chaussée, dites Salles des Maréchaux. Elles étaient naguère affectées aux images problématiques de tous les guerriers qui portèrent le bâton, connétables, maréchaux, amiraux. Sur tout le pourtour du corps de logis central, les promeneurs du dimanche s’ébahissaient devant cette longue suite de portraits apocryphes et de médiocres copies. Pour les encastrer dans les panneaux, on avait saccagé d’admirables boiseries du meilleur style Louis XV. Ces illustres fâcheux encombrent encore, ils videront prochainement les pièces du nord et de l’angle nord-ouest ; anciennes salles des bains, logemens occupés jadis par Mme de Montespan, Mme de Pompadour, Mesdames Cadettes, filles de Louis XV. Les maréchaux ont évacué l’autre moitié du rez-de-chaussée, aujourd’hui restaurée et complètement aménagée sur le plan nouveau, jusqu’à la galerie Louis XIII. Nous sommes ici dans l’appartement du Dauphin, qui prend jour au midi, et, en retour sur le parterre d’eau, à l’ouest.

Cet appartement avait été orné avec la dernière magnificence pour le grand Dauphin. Les objets d’art s’accumulaient dans le cabinet, sous un plafond peint par Mignard le Romain. Louis XIV montrait à Jacques II le logement de son fils comme l’une des merveilles du château. Un petit tableau d’intérieur, document très rare d’une époque où ce genre de peinture familière n’était guère en honneur, nous a été conservé : on y voit le roi et Monseigneur dans le grand cabinet, tel qu’il était alors et que le décrit Félibien : « Un amas exquis de tout ce que l’on peut souhaiter de plus rare et de plus précieux…, » tableaux des plus excellens maîtres, bronzes, porcelaines, médailles. Splendeurs disparues, remplacées au siècle suivant par une décoration dans le goût du nouveau règne. Nonobstant les dégâts faits par les maréchaux, il reste de cette dernière des parties considérables. Les ornemanistes de 1747, Verberckt et ses émules, se sont surpassés dans les guirlandes d’enfans et d’animaux qui courent sur les corniches des plafonds, dans la ciselure des boiseries qui garnissent l’ébrasement des fenêtres. Les cheminées, les consoles, les horloges sont de la seconde moitié du XVIIIe siècle : il en est qu’on peut attribuer sûrement aux frères Caffieri.