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exactement au même effet en ce qui concerne l’alcool ? Nous nous trompons, on en parle ; mais c’est toujours pour étendre le mal. On trouve mauvais que ceux-ci en profitent plus que ceux-là. On demande une sorte de péréquation, qui mettra l’abus à la portée de tous. Singulière façon de rétablir l’équilibre du budget ! Si nous avions à faire une étude complète de notre situation, il faudrait, après avoir indiqué les deux causes principales du déficit, remonter aux causes générales, lointaines, profondes, qui s’exercent sur nos finances à la fois pour augmenter les dépenses et pour diminuer les recettes. Ce serait alors toute notre politique qui serait en cause. Quoiqu’il soit devenu bien banal de citer le fameux mot du baron Louis : « Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances, » le mot est si juste qu’il est sur toutes les lèvres. Nous faisons une politique de fantasmagorie à l’égard du suffrage universel, et encore plus à l’égard du monde particulier des travailleurs. On commence à voir ce que cela coûte. Ce début promet : hélas ! ce n’est qu’un début.

La commission du budget, qui s’est réunie quelques jours avant la Chambre, s’est trouvée en présence d’un déficit trop considérable pour qu’aucun artifice de comptabilité ait permis de le déguiser. Il a même fallu renoncer à répéter, comme on l’avait fait pendant les premiers mois de l’année, que la moins-value des boissons, tenant aux provisions faites pendant la discussion de la loi, irait en diminuant à mesure que ces provisions diminueraient elles-mêmes. L’argument paraissait admissible, mais il a été démenti par les faits : le déficit des boissons a augmenté et augmente encore de mois en mois. La commission a donc fait des économies. Rien de mieux, à la condition toutefois que ces économies ne soient pas seulement sur le papier, et c’est ce qu’on ne saura que par la suite. Mais les économies de la commission ne pouvaient s’élever qu’à quelques millions : elles restaient bien loin du déficit à combler. On a demandé au gouvernement ce qu’il comptait faire, et M. le ministre des Finances a exposé à la commission ses projets, qui consistent à s’adresser indirectement à l’emprunt, soit par la diminution de l’amortissement, soit par une émission de bons à court terme.

C’est alors que la commission a eu une idée de génie. Elle est composée, on le sait, d’une majorité de radicaux et de socialistes, qui se devait à elle-même de supprimer le budget des cultes, ou du moins d’en proposer la suppression ; elle l’a fait. Plus de budget des cultes : cela faisait d’un seul coup une économie d’une cinquantaine de millions. La commission, toutefois, ne pouvait avoir et n’avait effecti-