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vement aucun doute sur la manière dont la Chambre accueillerait cette nouvelle réforme ; elle savait bien que la Chambre la repousserait, et qu’elle ne faisait elle-même qu’une simple et vaine démonstration. Elle la faisait pour l’honneur des principes. Aussi, après avoir supprimé le crédit afférent au budget des cultes, elle en avait d’abord grossi le fonds d’amortissement, ce qui était une manière de le déposer dans une caisse réservée, où on le retrouverait intact au moment opportun. Cette conduite témoignait, de la part de la commission, de perspicacité et de loyauté. Donner une autre affectation au crédit du budget des cultes, alors qu’on était certain que la Chambre le rétablirait, aurait été présenter à celle-ci un budget virtuellement en déficit. C’est pourtant ce que la commission a finalement fait. Les journaux s’étaient, avouons-le, un peu moqués d’elle. Qu’est-ce que c’est, demandaient-ils, qu’une économie dont on ne fait pas emploi ? La commission, évidemment, ne prenait pas cette économie au sérieux. Les journaux conservateurs et modérés se sont amusés de ce scrupule ; les journaux radicaux et socialistes s’en sont indignés ; et la commission a fini par dire : « Eh bien ! nous allons supprimer, cette fois pour de bon, le budget des cultes. C’est fait : il n’y a plus de déficit. » On peut appeler cela sortir de la vérité et de la sincérité pour rentrer dans la logique : les étrangers prétendent, quand ils veulent nous être désagréables, que c’est un mal très français. Cette méchante comédie ne modifie en rien la situation. Le budget des cultes sera volé par la Chambre ; et, s’il ne l’était pas, le déficit ne serait pas supprimé pour cela ; il serait seulement diminué. Notre budget n’est pas plus en équilibre qu’auparavant.

Ce trompe-l’œil ne trompe pas le jugement. Mais la résolution prise par la commission du budget est un nouveau signe des temps qui, ajouté à quelques autres, montre où l’on veut nous conduire, et où peut-être on nous conduit en effet. Ce n’est pas la seule indication que la commission ait donnée à cet égard. Elle a voté encore une sorte d’invite adressée au gouvernement d’avoir à laïciser les écoles que nous subventionnons en Orient. Nous rougirions, en discutant ce vote, d’avoir l’air de le prendre au sérieux. Au surplus, c’est à peine si nous avons en ce moment trois ou quatre écoles laïques en Orient : on pourrait donc réduire le crédit à fort peu de chose, s’il devait leur être exclusivement attribué. En revanche, il faudrait, non pas le décupler, mais le centupler, pour entretenir, après les avoir laïcisées, non pas seulement la totalité, mais la moitié de nos écoles d’aujourd’hui. Il est vrai que, dans ce cas, le plus simple serait de