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par mesure de police, des précautions effectives contre l’accumulation d’armes quelconques sur un point donné. Il suffisait qu’il estimât lui-même le danger pressant et sérieux. Comment, puisque cet article de loi existait, le gouvernement avait-il pu se croire et se dire désarmé ? Au surplus, quand bien même l’article en question n’aurait pas existé, le gouvernement n’avait-il donc aucun moyen d’agir ? Non certes, il en avait ; seulement il ne voulait pas s’en servir. Pendant quelques jours, on a fait porter toute la discussion sur un seul point, à savoir si les armes accumulées à Montceau étaient ou n’étaient pas des armes réglementaires, et il semblait admis que, dans le second cas, on n’avait aucun droit de les saisir. Mais n’y a-t-il pas, dans le Code pénal, des articles contre le complot ? Ces articles, le gouvernement ne peut pas les ignorer, puisqu’il s’en est servi contre certains des accusés qu’il a traduits devant la Haute-Cour. La nature des armes, c’est-à-dire le modèle auquel elles appartiennent, n’a plus ici aucun intérêt : le débit ou le crime est dans l’intention de ceux qui le préparent, dans les dispositions qu’ils prennent pour le commettre, dans le but qu’ils poursuivent sans conteste. Notre ministère ne l’entend pas ainsi. Il fait des différences entre les actes, suivant les personnes qui les accomplissent. Si vous êtes un ennemi ou même un adversaire du gouvernement actuel, prenez garde ! Tout sera crime de votre part, et vous serez traduits devant la Haute-Cour, non seulement pour un attentat, mais pour un simple complot. En revanche, si vous êtes l’ami du gouvernement, ou si vous êtes protégé auprès de lui par des amis puissans, c’est-à-dire par des membres de sa majorité habituelle, radicaux ou socialistes, la question change de face, et ce qui est interdit aux autres vous est permis. Imagine-t-on un révisionniste à la façon de M. Guérin réunissant des armes et des munitions dans un nouveau Fort-Chabrol ? Le gouvernement s’inquiéterait fort peu de savoir si ces armes sont, ou non, des armes de guerre réglementaires. Une pareille distinction lui paraîtrait puérile, et il aurait mille fois raison de ne pas s’y arrêter. Il dénoncerait immédiatement un terrible complot contre la sûreté de l’État. Mais, si les mêmes actes sont accomplis par des collectivistes, c’est autre chose. Le gouvernement est assailli des scrupules les plus imprévus. De quel modèle sont les fusils en cause ? Ce problème l’embarrasse et le paralyse. Pendant ce temps, les armes arrivent de tous les côtés à Montceau-les-Mines, et on apprend un beau jour que tous les ouvriers qui ont voulu s’en procurer ont pu facilement le faire et l’ont fait. — Ce sont, disent-ils, des fusils de chasse : est-ce que nous n’avons pas le droit d’aller à la chasse