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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/286

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contre la religion, d’une haine de sectaires. Il y a certainement des sectaires : il y en a même beaucoup plus que je n’en voudrais, pour le bien du pays, et pour l’honneur de l’intelligence française. Le pharmacien Homais, d’immortelle mémoire, n’est pas une invention de Flaubert, et encore moins une caricature. Je lis tous les jours de sa prose dans les colonnes du Siècle, ou du Radical, ou de la Petite République ; et ce sont d’ailleurs autant de journaux que j’aime vicieusement à lire. La Petite République est surtout instructive quand M. Jean Jaurès y explique, avec sa grandiloquence accoutumée, les raisons « personnelles » qu’il a de retenir, pour les exercer en famille, les droits qu’il fait profession et métier, comme politicien, de travailler à enlever aux autres. Notez à ce propos que son raisonnement n’est pas si mauvais ni sa tactique si maladroite ! N’ayant pu convertir les siens, il s’en venge en maltraitant ceux qui pensent comme eux ; et, en vérité, n’a-t-il pas quelque lieu d’espérer qu’un jour, s’il n’y avait plus moyen de « communier » en France, les siens ne « communieraient » pas ? Que voyez-vous à répondre à cela ? Mais la plupart de nos hommes politiques n’en demandent pas tant. Il leur suffirait, pour le moment au moins, de ce qu’ils appellent un « changement d’inscription religieuse, » c’est-à-dire d’un passage du catholicisme au protestantisme, par exemple, et d’une conversion de la France, en masse ou en bloc, à une autre religion. Puisque le « peuple » veut une religion, et puisque les « femmes, » — à l’exception des dames aristocrates de la Fronde, — sont presque toutes « peuple » en ce point, ils veulent, eux, faire quelque chose pour les femmes et pour le peuple. Donnons-leur donc, disent-ils, une religion, que nous composerons d’un mélange ou d’un extrait de toutes les autres, une religion « raisonnable » dont nous nous ferons volontiers les prédicateurs et les théologiens : la religion du « Dieu des bonnes Gens » et de Pierre-Jean de Béranger. Mais donnons-leur surtout une « religion d’Etat, » c’est-à-dire une religion dont l’Etat soit le maître ; une religion dont il s’attribue le droit et la charge de diriger lui-même l’enseignement ; une religion dont les prêtres soient des « fonctionnaires » ; et une religion au moyen de laquelle on refasse « l’unité morale » de la patrie divisée, à peu près comme nos Codes ont fait son « unité juridique. »

D’autres dangers sont-ils plus graves ? Je ne crois pas du moins qu’il y en ait de plus pressant, ni la persécution violente