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Wagner conserve une admiration attendrie et respectueuse, depuis que sa femme Christiane, malade de corps et d’esprit, fut soignée par elles à Léonberg. Une pièce du recueil Oswald et Clara, dans les Nouveaux Poèmes, est consacrée à célébrer cet asile de paix et de charité, et l’époux reconnaissant a incarné deux de ces modèles du dévouement et du sacrifice dans une de ses plus pures légendes florales, celle des violettes de nuit[1].

Enfin un dernier rapprochement évangélique est celui qui s’impose de façon si peu attendue, à l’imagination de Wagner, lorsqu’il entend, vers la fin de l’hiver, l’appel monotone du coucou[2]. Un autre poète des champs, M. Rollinat, nous a dit jadis et nous a fait partager, par la magie de son art, l’impression de malaise insurmontable et d’effroi Mystérieux qu’il en éprouva, par les vallons solitaires. Et nous trouverions ici, s’il en était besoin, un argument nouveau pour établir que la traduction en sentimens précis des suggestions musicales, dans la nature comme dans l’art, dépend essentiellement de l’état d’âme chez l’auditeur. Car, pour Christian Wagner, le chant du coucou est au contraire un hymne d’allégresse, un clair message des beaux jours prochains, et il voit dans l’oiseau bavard l’incarnation du Précurseur, l’image du Baptiste, avec les particularités de sa vie obscure, sur laquelle l’Évangile ne soulève qu’un instant le voile.


C’est un précurseur et un héraut, qui chaque année crie « Coucou » par la forêt. Comme autrefois Jean, il a vécu dans la solitude à la façon des voyans, en vêtemens grisâtres, prenant par le chaud et par le froid une maigre nourriture de prophète, séparé de ses enfans, libre, sans domicile stable, afin qu’il n’oublie pas sa mission divine. « Voici le printemps, l’angoisse de l’hiver est passée. Voici le printemps, voici le printemps. Coucou. »


Nous en avons assez dit pour marquer l’attitude sympathique, en somme, que le poète a conservée vis-à-vis de la foi de son enfance. Parallèlement à ces stratifications religieuses déposées par l’éducation et par le passé de la race dans l’âme de ce fils du peuple, court, en son esprit éveillé, un filon scientifique, assez nourri par ses études solitaires, et qu’avec surprise on voit parfois apparaître inopinément au jour. Une fleur éclose sur la haie de son jardin lui rappelant les premières années de sa vie, il

  1. I, 14.
  2. III, 8.