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fut un greffier appliqué et diligent, un archiviste modèle, car il est loué pour avoir calligraphié en double expédition, sur papyrus et sur parchemin, les actes publics de la ville. Tels étaient, vers la fin du second siècle avant notre ère, les mérites qui valaient à un citoyen de Priène la gloire d’une belle inscription honorifique gravée sur marbre. Chose curieuse, la salle des séances, quand on la déblaya, n’était pas tout à fait vide. On eut la surprise d’y trouver un squelette couché sur un des gradins supérieurs. Un esprit aventureux aurait pu conjecturer que les mœurs politiques étaient violentes, et que la dernière séance du Sénat fut particulièrement agitée. L’explication est beaucoup plus simple. Ce mort est un intrus. C’est un chrétien qui fut jadis enterré dans une chapelle byzantine construite au-dessus du Bouleutérion. Quand le plafond s’effondra, le squelette fut entraîné par la chute des débris, et le défunt inconnu vint dormir son dernier sommeil dans la salle depuis longtemps désertée.

La partie méridionale de l’agora, séparée de la première par la rue, était consacrée au commerce ; c’était le marché proprement dit. A l’ouest, elle confinait à un temple de Dionysos, dont l’étude promet de révéler des particularités intéressantes pour l’histoire de l’architecture ionienne. Mais le temple ne faisait pas partie de l’agora, dont le tracé est nettement délimité par un portique régnant sur trois des côtés. Il y avait là un vaste et commode promenoir, sur lequel s’ouvraient des boutiques, et, dans la pénombre fraîche de la colonnade, les acheteurs pouvaient marchander à l’aise les étoffes, les armes, les bijoux, qui devaient donner à ces galeries l’aspect chatoyant d’une rue de bazar oriental. Sur la face sud, la déclivité du terrain avait permis d’établir en sous-sol des magasins et des docks, suivant le système adopté dans d’autres villes d’Asie, par exemple à Pergame et à Ægae.

Cette agora bordée de portiques était le rendez-vous des flâneurs, des désœuvrés, du menu peuple qui trouvait non loin de là le marché aux poissons et les cuisines en plein vent dont on distingue encore des vestiges. C’était à la fois le centre de la vie populaire et la plus belle place de Priène. Il est naturel d’y retrouver de nombreuses traces de monumens décoratifs, de statues élevées aux personnages qui avaient bien mérité de la cité. Mais, si les Priéniens paraissaient avoir usé libéralement du marbre et du bronze doré pour honorer leurs concitoyens, ils