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de la skéné, sorte de façade haute en général de trois mètres, formant à l’arrière-plan de l’orchestre comme une décoration fixe, et s’avançant en saillie de telle sorte qu’à la partie supérieure régnait une étroite plate-forme, désignée dans les textes comme étant le logeion, « l’endroit où l’on parle. » Toutes ces dispositions sont très connues et familières à quiconque s’est fait une idée générale, même sommaire, du théâtre grec[1].

Toutefois, si le théâtre de Priène est construit, pour ainsi dire, suivant le plan canonique, on y relève des détails nouveaux[2]. La rangée des sièges inférieurs, qui constituaient les places d’honneur réservées aux personnages de marque, la proédrie, comme l’appelaient les Grecs, est séparée des autres gradins par un large couloir qui l’isole ; elle est exactement au niveau du sol de l’orchestre. Mais voici qui déroute tout à fait les idées reçues sur l’emplacement de l’autel de Dionysos, de cette thymélé si souvent citée dans les textes, et qui faisait partie intégrante d’un théâtre grec, car toute représentation dramatique était précédée d’un sacrifice au dieu sous le patronage duquel le drame avait pris naissance. Jusqu’ici, on n’avait encore retrouvé nulle part des traces certaines de la thymélé. On s’attendait cependant, si les fouilles mettaient quelque jour à découvert un de ces autels, à le voir placé au milieu de l’orchestre ; n’était-ce pas là qu’il devait être primitivement, au temps où les danses rituelles et les chants exécutés autour de la thymélé constituaient tout le spectacle scénique ? Il n’en est rien. La thymélé de Priène se trouve en dehors de l’orchestre, juste au milieu du demi-cercle que forme la proédrie. À cet endroit, la rangée de sièges s’interrompt pour laisser de chaque côté de l’autel un passage qu’on pouvait fermer par une barrière. Le prêtre chargé de célébrer le sacrifice pouvait ainsi se retirer par le couloir, et défiler avec son cortège sous les yeux des spectateurs, sans traverser l’orchestre, qui restait libre pour le déploiement de l’appareil scénique. Ajoutez que nous pouvons, pour la première fois, voir intacte une thymélé : c’est un autel de marbre, surélevé sur un

  1. On trouvera toutes ces dispositions étudiées et décrites dans un ouvrage qui, sans viser à l’érudition, est l’œuvre d’un écrivain bien informé ; Dionysos, Étude sur l’organisation matérielle du théâtre athénien, par Octave Navarre, Paris, Klincksieck, 1895.
  2. En attendant la publication d’ensemble des fouilles, M. Wiegand a consacré à ce monument une étude préliminaire. Das Theater zu Priene, Athenische Mittheilungen des arch. Instituts, 1898, p. 307.