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doute fort étroite, mais assez large cependant pour l’action scénique ? N’est-ce pas là qu’il faut les voir, « se détachant sur le mur de fond en silhouettes expressives, mais calmes, comme des personnages de bas-relief, comme une frise vivante[1] ? » N’est-ce pas ainsi qu’il faut interpréter une phrase d’un lexicographe grec, Pollux, dont les renseignemens ont été puisés aux meilleures sources : « La scène appartient en propre aux acteurs, comme l’orchestre au chœur ? » Enfin, la description du théâtre grec faite par Vitruve n’est-elle pas décisive ? Non, répond M. Doerpfeld. Rien n’est changé dans les théâtres de pierre édifiés aux IVe et IIIe siècles, comme ceux d’Athènes, d’Epidaure et de Priène. Les dispositions usitées au siècle précédent sont toujours respectées. L’orchestre reste circulaire, parce que c’est là que se groupent encore acteurs et choristes. Le proscénion de pierre ou de marbre reproduit, en matériaux plus solides, la forme de l’ancienne skéné de bois, et il garde la moine destination ; c’est toujours le décor de fond devant lequel jouent les acteurs. Le théâtre grec dont parle Vitruve est plus récent encore que ceux-là. C’est l’édifice dont certains théâtres d’Asie Mineure, par exemple celui de Telmessos en Pamphylie, nous ont conservé le type : l’orchestre diminué, le proscénion haut de 10 à 12 pieds, et réduit au rôle de simple soubassement pour la plate-forme élargie qui désormais sert de scène ; le premier rang de sièges exhaussé au-dessus du sol de l’orchestre pour mettre les spectateurs à hauteur convenable par rapport au niveau de la scène. Tel est le théâtre décrit par l’architecte romain[2].

Pour qui visite le théâtre de Priène avec le souvenir présent de ces controverses, le monument prend un intérêt tout particulier. Il date du IIIe siècle, c’est-à-dire de la période à laquelle se limite aujourd’hui le débat ; il nous offre le plus ancien proscénion de pierre qui nous soit connu, et le mieux conservé. Nul endroit n’est plus favorable pour mettre les théories à l’épreuve des faits.

Or, voici les réflexions qui s’imposent, après un examen fait sans parti pris. Ce proscénion à colonnade, qui mesure en hauteur l’élévation moyenne d’un étage de maison, n’a pas été construit uniquement pour supporter le plancher du logeion. Il a,

  1. Defrasse et Lechat, Epidaure, p. 216.
  2. M. Doerpfeld a développé ces conclusions dans des articles des Athenische Mittheilungen, 1897, p. 439-462 ; 1898, p. 326-356.