Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réplique Fouché presque souriant. Marie-Louise sera peut-être aimable et charmante comme sa tante. On a calomnié Marie-Antoinette, on a beaucoup parlé contre elle, nous les premiers. Nous étions au parterre, debout, mécontens, tapageurs. A présent, nous voilà bien assis, aux premières loges : applaudissons ! » Il pouvait se croire en effet bien assis, lorsque, peu après, il était expressément désigné, avec Cambacérès, comme partner au jeu de la nouvelle impératrice. Cette fois c’était bien la monarchie qui ressuscitait, personnifiée dans la nièce et le « neveu » de Louis XVI, et Fouché ne s’y trouvait pas déplacé.

On ne pensait pas de même autour de lui ; son imprudence le perdit. De la police, il entendait s’élever à la diplomatie : faiblesse perfidement encouragée par Talleyrand, à laquelle il cédait en convoitant la succession de l’honnête et médiocre préposé à la politique étrangère, Champagny. Dès le printemps de 1809, il s’abouchait avec l’ambassadeur autrichien Metternich et l’informait sans y paraître de certains desseins surpris en haut lieu, propres à rallumer la guerre continentale. Comment ne s’aperçut-il pas qu’à cette époque, c’était trahir que de faire prêcher, même discrètement, les bienfaits de la paix par la presse à ses ordres ?

Les incidens qui amenèrent sa chute sont bien connus. Au commencement de juin 1810, Napoléon apprit que, de deux côtés, par l’intermédiaire d’un voyageur obscur, Fagan, et du financier Ouvrard, le duc d’Otrante s’était abouché directement avec les Anglais en vue de négociations pour la paix. Son parti fut aussitôt pris ; après avoir consulté pour la forme ses autres ministres, et avec leur acquiescement timide ou silencieux, il releva Fouché de ses fonctions, le nomma gouverneur des États romains. Quelques semaines après, il révoquait cette dernière nomination ; le ministre déchu, qui avait songé un instant à fuir en Amérique les effets possibles de la colère impériale, obtenait comme une grâce de se retirer dans sa sénatorerie d’Aix en Provence. Napoléon lui faisait subir la loi du talion, en le reléguant, loin de Paris, à l’extrémité de l’ancienne France. « Il ne faut faire aucune attention à lui, » écrit-il à son successeur (21 août). Ce dédain transcendant prouve qu’il le craignait encore. Il faut ici entendre une grande dame à demi ralliée, amie de Real et de Fouché, Mme de Chastenay. « On ne saurait croire à quel degré Fouché avait convaincu les esprits de sa capacité